Le
Client:
- Dieu a fait le monde en six jours, et vous, vous n'êtes
pas foutu de me faire un pantalon en six mois.
Le
Tailleur:
- Mais, monsieur, regardez le monde, et regardez votre
pantalon.
Samuel
Beckett – Le Monde et le Pantalon (1989)
o-o-o
Concernant la création il y a plusieurs questions possibles.
Entre autres :
- Pourquoi
Dieu a-t-il créé l’univers ? (Autrement dit, pourquoi y a-t-il un monde plutôt que rien ?)
- Qu’est-ce
qui nous prouve que c’est Dieu qui a créé le monde, et pourquoi donc la Nature
ne se serait-elle pas « autocréée » ?
- Pourquoi
Dieu tolère-t-il le Mal et l’imperfection des créatures ?
--> On a écrit des bibliothèques entières de théologie et
de philosophie pour tenter de répondre à ces questions. Mais on s’en doute en
voyant ces ouvrages empilés sur des
hauteurs proches de l’Himalaya, aucune d’entre elles n’a été résolue, et
surtout pas la dernière. D’où la boutade de Beckett : Dieu n’aurait-il pas mieux fait s’il avait pris son temps au lieu de bâcler le travail en 6
jours ? Après tout il n’était pas tenu par des délais de livraison, comme
le Tailleur de notre Citation.
Laissons de côté les blasphèmes et tenons-nous en au cœur de
la critique : le Client ne croit
manifestement pas à le divine Providence, sans quoi il saurait que le mal n’est
qu’un effet particulier d’un Bien
plus général. Entendons-nous bien sur
les conséquences de cette affirmation : tout ce qui arrive a été voulu ou
permis par Dieu – rien n’est aléatoire, rien n’est absurde. C’est au 18ème
siècle qu’on a le plus débattu de cette question – lors du tremblement de terre
de Lisbonne qui fit des dizaines de milliers de morts innocents, y compris
parmi les fidèles écrasés dans les Eglises en ce jour de fête religieuse (1er
novembre 1755) (1). Bien sûr l’histoire de notre temps regorge elle aussi de cataclysmes
incompréhensibles – y compris ceux qui furent provoqués par les hommes comme le
fut l’Holocauste (2). Simplement, alors qu’au 18ème siècle on
pouvait espérer que le progrès des sciences permettrait de surmonter ces
catastrophes, nous savons aujourd’hui qu’au contraire nous avons tout à en redouter.
Nous avons compris aussi que, dans l’histoire tout est possible – même
l’absurde.
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(1) A la catastrophe du
tremblement de terre s’ajouta un tsunami et un gigantesque incendie. Les textes
de Voltaire et Rousseau sur le tremblement de terre de Lisbonne et la
Providence sont à lire ici. Je n’y insiste pas, le commentaire ayant été fait
maintes fois. Voir ici
(2) Voir Le concept de
Dieu après Auschwitz de Hans Jonas. La question serait : comment Dieu
se révèle-t-il dans l’Holocauste ?
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