L’art a
toujours été ceci – interrogation pure, question rhétorique moins la
rhétorique.
Samuel Beckett
Soit un
tableau, c’est à dire une œuvre qui serait de l’art et non un simple élément de
décoration. Admettons qu’il s’agisse d’une œuvre figurative qui nous présente
une vision du monde, et non d’une œuvre non-figurative, qui constituerait
plutôt un « starter » d’émotions.
Maintenant,
suivons Beckett : L’art est
interrogation pure, question rhétorique moins la rhétorique :
- D’abord, on
reste un peu perplexe : comment une interrogation pure serait-elle une question rhétorique,
puisqu’alors cette question serait en même temps affirmation de la réponse ? (1)
- D’ailleurs
que serait une question rhétorique moins
la rhétorique ? Certes, on dira que ce qui reste, c’est le bon
sens – à moins qu’on préfère dire (comme le fait Yves Bonnefoy à propos de la
poésie) que la rhétorique relève d’une certaine logique du langage qui exclut à
l’avance toute possibilité de création artistique.
- On
retiendra alors que l’œuvre d’art nous pose une question à la quelle nous ne
savons pas répondre mais qu’on ne peut évacuer parce que nous savons que la
réponse existe bel et bien – mais qu’elle est inaccessible comme dans une
énigme, comme il se doit d'ailleurs si la question est pure. Tout cela excluant bien
sûr à l’avance la réduction de l’œuvre au discours rationnel.
Vous me suivez ? C’est un peu embrouillé ? Reprenons :
Qu’est-ce
donc qu’une œuvre d’art ? Selon Beckett, c’est d’abord une interrogation qui
nous met à distance de la
réalité. A la question : « Qu’est-ce que l’artiste a voulu nous
montrer ? » la réponse
sera que cette question n’est pas la bonne ; que l’œuvre nous étonne,
voire même nous choque, c’est normal ; mais qu’elle apporte ou non une réponse
est secondaire : car l’œuvre sera toujours en excédent par rapport à explication qu’on découvrira. Si l’œuvre
nous surprend, c’est qu’elle nous invite au renouvellement de notre regard,
qu’elle nous fait prendre conscience qu’il y avait tant à voir et tant à
comprendre – tant à ressentir – et tant à s’interroger.
Concluons :
les œuvres les mieux perçues comme œuvre d’art sont celles qui nous tiennent à
distance non par un discours, puisqu’elles ne possèdent pas le langage rhétorique,
mais par une énigme constituée par la profusion des significations possibles.
L’exemple le plus connu en est la Joconde de Léonard de Vinci.
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(1) « Question
rhétorique » – Affirmation énoncée sous la forme d'une question. Puisqu'il
s'agit en réalité d'une affirmation qui ne fait que prendre la forme d'une
question, la question rhétorique n'attend évidemment aucune réponse de la part
de l'interlocuteur. » (Art. Wiki)
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