Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté.
Bernanos
– La France contre les robots (1947)
Cet essai de Bernanos date de 1947, époque à laquelle les
innovations techniques ne renvoyaient pas comme aujourd’hui à des modes de
consommation, mais plutôt à des modes de production. Ne faisant pas trop la différence entre libéralisme et
machinisme, Bernanos se livre à des imprécations politico-morales plus proches
du marxisme que des utopies écologistes.
- 70 ans après que retiendrons-nous de cet essai ? Sa
dénonciation visionnaire de la mondialisation et de ses délocalisations ?
Certes. Mais on notera surtout le
décalage du point de vue : notre époque n’a plus peur de l’invasion des
« robots » mais plutôt du ravage de la planète. La direction que
prenait Bernanos en dénonçant les progrès techniques était-elle la voie qui
aboutit aujourd’hui à l’altermondialisme ? Je ne le crois pas, du moins si
l’on s’en tient à ces pages de 1947.
Reste que, de toute façon, nos peurs sont fonction des
époques, dans la mesure où en changeant de période, nous les oublions
parfaitement quand bien même le risque n’aurait pas disparu. La peur de la
guerre atomique ? Oubliée – ce qui n’empêche que le feu nucléaire reste toujours
menaçant. La peur du conflit entre deux puissances luttant pour avoir
l’hégémonie mondiale (style 1984 de G. Orwell) ? Parlez-nous plutôt des ouvriers bangladais, payés 2 euros par
jour. – N’empêche que les pays du Moyen-Orient s’étripent pour dominer la
région et qu’on voit bien qu’il n'est pas possible de rester à l’écart de ces conflits.
Et puis, qui se souvient de la peur de voir des êtres humains
clonés ?
- Peur des clones ? C’est quoi, ça ???
o-o-o
Mais surtout, n’y a-t-il pas une certaine naïveté à prononcer
des condamnations définitives de certaines nouveautés, telles justement que les
nouveautés radicales de la technique ? Croire que l’exploitation des
hommes serait la conséquence du machinisme est une naïveté que Marx n’a pas
commise : il recommandait de prendre les commandes des machines et non de les
briser.
Et puis, en appeler comme le fait Bernanos à la rébellion de
la jeunesse, c’est tout de même présomptueux. Nos jeunes sont trop occupés par
la chasse aux Pokémons pour faire autre chose.
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