Quand on embrasse, dans quel
sens faut-il tourner la langue ?
Delphine de Vigan – No et moi p. 79
Pour se poser une telle
question, il faut être Lou, la jeune héroïne de Delphine de Vigan, qui, à 13
ans, ressent ses premiers émois amoureux ; mais, malgré son Q.I. à 160,
elle est encore une gamine et ses Encyclopédies n’ont pas forcément réponse à
tout.
Mais enfin, où donc Delphine
de V. est-elle allée chercher ça ?
- Est-ce une question réellement entendue dans la cour de
récré, entre copines ?
- Ou alors est-ce juste pour permettre à No (l’autre
héroïne du roman), du haut de ses 18 ans, de répondre dans un haussement
d’épaule : « Y pas de sens pour
embrasser, on n’est pas des machines à laver ! » (p. 102)
- A moins que ce soit un « running gag »,
puisque l’auteur y revient avec la toute dernière phrase du roman, quand l’amoureux
de Lou lui a enfin donné ce baiser :
« Il a approché sa bouche de la mienne, et j’ai senti ses lèvres d’abord,
et puis sa langue, et nos salives se sont mélangées.
Alors, j’ai compris que, parmi les questions
que je me pose, le sens de la rotation de la langue n’est pas la plus
importante. »
Mais, après tout, ce qui
compte, ce n’est pas que ce soit authentique, mais plutôt que ça permette de
s’interroger : Quelles questions sont donc plus importantes que
celle-là ?
A 13 ans une jeune fille peut
encore se poser toutes sortes de questions, du genre : Mes parents
m’aiment-ils ? Serai-je plus tard une super star ? Pourrai-je devenir
médecin sans frontière ? Serai-je à la hauteur de mes désirs ?
Oui, n’est-ce pas, c’est
cette dernière question qui compte le plus, parce qu’elle sert de matrice aux
autres. Derrière chaque élan, chaque aspiration se cache un désir qui lui donne
son sens. J’ai bien dit : un désir
et non pas des désirs. Lou a compris
qu’il ne s’agit pas de faire sa crâneuse avec les copines ou bien d’être fière
d’avoir respecté scrupuleusement les injonctions des parents. Il s’agit de quelque
chose de beaucoup plus important : mériter d’être l’enfant qui ne sera ni
rejetée ni abandonnée par ceux qu’elle aime, que ce soit un Papa-chéri, ou une tendre
maman ou un amoureux-qui-sait-embrasser (et plus si affinité).
Ne pas être chassée du
Paradis, comme le fut Eve.
Eve hurlant son désespoir –
Fresque réalisée par Masaccio à l’église Santa Maria del Carmine de Florence.
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