Monday, August 08, 2016

Citation du 9 aout 2016

Toutes les choses qu’on ferait volontiers, qu’il n’y a aucune raison apparemment pour ne pas faire et qu’on ne fait pas ! Ne serait-on pas libre ?
Samuel Beckett –  Molloy
… il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c'est un bien d'affirmer par là notre libre arbitre.
Descartes – Lettre au père Mesland 9 février 1645
On lira (ici en entier) le texte de Descartes : il est tellement clair que Beckett semble le paraphraser. Par exemple, faire le mal n’est pas forcément l’effet d’un penchant pervers, mais peut résulter d’une expérience philosophique par la quelle nous cherchons à prouver que notre liberté existe.
Cette expérience montrerait qu’aucun motif n’est suffisant pour déterminer nécessairement notre action ;  mais du coup, ne tombe-t-elle pas sous le coup de la critique de l’acte gratuit qui nécessite également une absence totale de motivation ? Comme le dit Descartes, lorsque je souhaite faire cette expérience, c’est parce que je considère comme un bien de prouver  l’existence de ma liberté : cette vérification ne serait-elle pas un bien plus grand que celui au quel je renonce volontairement ? Dans  ce cas, je ne ferais qu’obéir à ma raison et non expérimenter ma liberté d’indifférence.
Vérifions :
- Oui, mon amour, je t’aime et je te considère comme la lumière de ma vie : sans toi je suis plongé dans les ténèbres. Pourtant, vois-tu, je vais te quitter : je dois me prouver que je suis encore libre de le faire, que ma passion pour toi ne m’a pas encore complètement subjugué.
Oh certes, je serai malheureux jusqu’à la fin de mes jours, mais en même temps j’aurai quand même la conviction d’être libre, et du fond de mon désespoir, j’aurai la certitude d’avoir fait quelque chose uniquement par liberté.
Vous n’êtes pas tenté par l’expérience ? C’est vrai que ça coince quand même un peu…

Chacun fait ce qu’il veut de sa  liberté, c’est évident. Pourtant notre amant  n’a sans doute pas lu Descartes jusqu’au bout (texte référencé ci-dessus) ; car Descartes estime qu’il y a différentes formes de libertés et qu’une hiérarchie existe entre elles : la liberté éclairée (faire le bien dès lors qu’on le connaît) est supérieure à la liberté d’indifférence. Il y a toutefois une relation entre ces deux libertés : faire le bien n’est une liberté que dans la mesure où ce n’est pas un déterminisme mécanique ; dès lors, à chaque fois que je prends une telle décision (faire le bien), je dois savoir que je pourrais faire exactement le contraire (= le mal).
Reprenons le monologue de l’amoureux :
- Oui, mon amour, je t’aime et je te considère comme la lumière de ma vie etc… /j’abrège/.
Pourtant je tremble parce que j’ai peur de te perdre. Oh ! J’ai confiance en toi  je ne crois pas que tu veuilles me quitter. C’est de moi que j’ai peur : car, vois-tu je suis un être libre et je me sais capable de t’abandonner rien que pour me prouver que je suis libre de choisir y compris ce qui serait mauvais pour moi.
Mais ne crains rien : cette angoisse me suffit pour savoir que je suis encore un être libre.

Voilà : c’est quand même plus sympa comme ça ?

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