Chacun sait d’instinct ou d’expérience qu’en amour tout est possible,
sauf la sincérité.
Anonyme
Histoire de Mélusine (1)
Il était une fois une femme qui disparaissait tous les
samedi jusqu’au dimanche, et, lors de leur mariage, son mari avait juré qu’il
ne chercherait pas à savoir ce qu’elle faisait ce jour-là. Cette femme n’était
autre que la fée Mélusine.
Et voici ce qui arrivait : chaque samedi soir et
jusqu’au lendemain Mélusine se transformait en un monstre : femme jusqu’à
la taille et serpent en-dessous.
On devine la suite : le mari trop curieux n’a pu tenir
son engagement de discrétion : regardant un soir fatal par la serrure de
la chambre, il vit la réalité ; Mélusine l’ayant su disparut à tout
jamais.
o-o-o
Si votre conjoint vous proposait un contrat similaire,
accepteriez-vous ? Je veux dire : il y a des choses qu’on garde pour soi,
qu’on ne veut pas faire partager à qui conque et même pas – surtout pas ?
– aux êtres qu’on aime ; on pense bien sûr à tout ce que la pudeur impose
comme ultime limite (comme aller au petit-coin, faire sa toilette intime),
chacun doit s’engager de ne pas tenter de le voir, parce que … – Oui, au fait
pourquoi ? Est-ce comme on le croit généralement parce que c’est dégoutant
et qu’il faut être un pervers pour se sentir intéressé par ce spectacle ?
Oui, peut-être mais pas seulement ; si on élève un peu
le regard, si en présence de l’être aimé nous gardons une certaine retenue, si
nous respectons son secret, c’est bien parce que cet être a besoin, comme tous
les autres, de secret pour être. Ce secret a ceci de particulier qu’il est également
inconnu pour celui qui le porte, qu’il
est (un peu comme la tâche aveugle de la rétine) le foyer inconscient de
la conscience, ce lieu retiré où prennent
naissance les émotions imprévues, les pensées créatrices – tout ce qui fait
rupture dans le quotidien.
Et d’ailleurs, sans faire de l’ontologie heideggérienne, cette
opacité est aussi une ressource bien heureuse pour les amants dès lors qu’ils
vivent un peu longtemps ensembles. Ils ont besoin d’être surpris par l’autre et
si la vie de couple reste charmante malgré la monotonie des jours qui passent,
c’est bien parce que l’aimé(e) recèle en son sein quelque chose de caché, qui
fait surface parfois sous des formes déguisées et inattendues.
Et quand bien même, si
rien de tel ne se produisait, le fait de respecter une certaine distance
avec l’être aimé ne serait-il pas un puissant moteur pour l’imagination ? Monsieur
si vous saviez tout de votre femme, pourriez-vous fantasmer sur son passé
lointain, du temps où vous n’étiez pas encore entré dans sa vie ? Peut-être
a-t-elle flirté avec un jeune séminariste au cours des JMJ de 1983 (du temps de
Jean-Paul II : il y avait de l’ambiance) ? Ça n’est pas arrivé ?
Qu’en savez-vous ? En tout cas, n’allez pas le demander à votre
femme : elle pourrait bien disparaître, comme Mélusine !
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(1) Ce Post fait suite à celui d’hier. Par ailleurs sur
Mélusine, on se reportera à l’article que lui consacre le Blog « Les 400
culs » (Blog très sérieux contrairement à ce que laisserait supposer son
titre un peu provocateur).
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