Rien n'est mort que ce qui n'existe pas encore / Près du passé
luisant demain est incolore.
Guillaume
Apollinaire
De l’avenir ou du passé, le quel a le plus
d’existence ?
Selon Apollinaire, ni le passé ni l’avenir n’existent :
seuls existent les souvenirs et les projets. Ce sont donc eux qui sont mis dans
la balance : la mémoire est plus vivante que l’attente. Du coup la
jeunesse devient morne – pour ne pas dire mourante ; et la vieillesse
pleine de vie et d’allégresse.
Opérant un renversement complet des valeurs attribuées au
temps, Apollinaire estime donc que le souvenir vécu est comme un double de la
vie, qu’il est le seul a avoir son lustre. Notre poète a-t-il tort ?
A-t-il raison ? Pour le savoir, comparons la vie d’un jeune de 20 ans et
celle d’un vieillard de 80 ans : la quelle est la plus enviable ?
Personne je crois ne balancera : à 20 ans la vie parait plus belle qu’à 80
(1).
Toutefois, si nous suivons le poète, nous dirons que la vie
n’est jamais un pur « maintenant », mais toujours un présent-augmenté, que ce soit d’un futur
ou d’un passé. Et à ce compte, le
« présent-jeune » n’est-il
pas plus inquiet et angoissé que le « présent-vieux » ?
Quelle joie pour le jeune homme qui étreint une femme mais qui se demande s’il
sera à la hauteur de son désir ? Alors que le vieillard pourra toujours se
rappeler de cette fameuse soirée, autrefois, à Ibiza, durant la quelle il a séduit
trois femmes.
Hum… J’en vois qui rigolent sous cape : même avec des
hésitations, mieux vaut étreindre pour de vrai une belle jeune femme que d’en
garder seulement le souvenir : la jeunesse peut se lancer dans des
entreprises que le vieillard ne pourrait pas même commencer. A quoi bon se
rappeler que « dans des temps
anciens, j’ai séduit trois femmes dans la même soirée », sinon à avoir
des regrets de ne plus pouvoir le faire ? Sans compter que finalement les
souvenirs du vieux ne sont rien d’autre que le présent du jeune-qu’il-fut ;
si celui-ci était éjaculateur précoce, que seront les souvenirs de jeunesse du
vieillard 50 ans plus tard ?
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(1) Même si Nizan, dans la préface d’Aden Arabie, a écrit :
« J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel
âge de la vie … ».
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