Je me suis souvenue de ces moments où les corps et les
visages figés dans une compassion réelle ou feinte pour soutenir le chagrin des
proches du mort donnent à ces instants cérémonieux quelque chose d’artificiel,
de presque faux, parfois. Mais je me suis souvenue de larmes versées en chœur,
de corps rapprochés, de silences émus et profonds où les vies complices ne sont
plus qu’un souffle, qu’un hoquet, une dérisoire et bouleversante tentative de
résistance au vide.
Michèle
Lesbre Ecoute la pluie,
En Chine, on fait appel à des pleureuses professionnelles
pour des obsèques inoubliables ;
« Mme Hu exerce
la profession de «kusangren», ou pleureuse professionnelle.
Selon
l'Association de la culture funéraire chinoise, la tradition veut que l'on
exprime sa peine bruyamment et avec force larmes, avant la mise en terre.
«Si
les descendants ne pleurent pas assez fort, cela va être considéré par les gens
du voisinage comme un manquement à la piété filiale», souligne l'Association.
Mme Hu joue ce rôle par procuration » : tel est le
rite rapporté par « lapresse.ca »
- Alors, nos enterrements avec larmes-intimes et sanglots
étouffés valent-ils mieux que ces scènes chorégraphiées et scénarisées de
chagrin ostentatoire ? Sommes-nous plus authentiques avec nos larmes parce
qu’elles sont « versées en chœur », et nos étreintes qui rapprochent nos corps, nos « silences émus et profonds où les vies
complices ne sont plus qu’un souffle, qu’un hoquet, une dérisoire et
bouleversante tentative de résistance au vide » ?
Le propre de nos enterrements est d’être silencieux :
rien ne vient troubler le recueillement des affligés, simplement parce que tout
ce qui s’y passe signifie sans faire appel aux mots, et peut-être même pas à
des signes. Dans le vide du néant, on ne peut que se pencher en silence sur le
néant de la mort, ce néant sans réponse, sans clameur, sans plainte sans adieu,
sans…
Dans ce vide ne reste que la chaleur des autres affligés, de
leur larmes et de leurs étreintes, où passe l’émotion d’une désespoir partagé
Et pourtant, même chez nous, autrefois on pouvait entendre
le mort clamer du fond de son tombeau : De profundis clamavi ad te domine…
(Au choix : ici avec Josquin des Prez, où là avec DarkFuneral (prévoyez les boules Quiès))
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