En jeu d'armes et d'amours, pour une joie cent douleurs.
Brantôme
– Les vies des dames galantes (1600)
(Cette gravure
illustre une série de proverbes, qui sont :
- Pour un plaisir mille
douleurs : il sue la vérole.
- Folie : Il vaut mieux avoir
flux de bourse que de bouche.
- Chaud comme braise.
Nous
ne retiendrons que le premier (1))
Ce proverbe atteste la tradition qui place au cœur de la
jouissance la menace de la maladie ou de la mort. Et au fond les MST sont bien
pratiques : supposées liées au libertinage, elles permettent d’objectiver la
punition du péché qui est attaché à la sexualité exercée uniquement pour le
plaisir ; d’ailleurs on observera que l’auteur de la gravure reproduite
ci-dessus a cru nécessaire de préciser le sens du proverbe en question : pour un plaisir mille douleurs – parce
qu’il sue la vérole.
D’ailleurs bien que la syphilis n’ait pas toujours été
connue en occident (sur l’histoire de cette maladie, voir ici), on peut estimer
que sa « découverte » a été une véritable aubaine pour la morale
chrétienne… Définie comme maladie honteuse, elle est immédiatement assimilée à
un châtiment de Dieu stigmatisant la luxure – un peu comme le sida qui à ses
débuts était étiqueté comme « cancer des gays». Il fallait bien que le
péché de libertinage fut sanctionné par un mal atrocement douloureux, frappant
de ses stigmates le visage, le corps et les organes génitaux du pécheur, par
des pustules dégageant une odeur pestilentielle et menant inéluctablement à la
mort.
Et en effet, comment faire pour que les hommes se détournent
du plaisir sexuel ? Comment les retenir de copuler sans retenue ?
Comment éviter que des femmes fassent commerce de leurs charmes ? Bref, si
le paradis est invisible depuis la Terre, l’enfer n’y serait pas plus concret
si la maladie et la mort ne venaient s’inscrire dans le déroulement de la vie.
Pour contrôler les hommes et les femmes, la menace de damnation ne suffit pas
toujours : il faut que la terreur du châtiment soit pour tout de
suite ; et pour cela, la vérole est parfaite.
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(1) Les « vérolés » en question (c’est à dire les
syphilitiques) étaient soignés par des séances dans des étuves. A Strasbourg
celles-ci étaient installées dans le quartier appelé encore aujourd’hui la Petite France en souvenir du
« mal français » (= la syphilis).
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