Le Capital mourrait si, tous les matins, on ne graissait pas
les rouages de ses machines avec de l'huile d'homme.
Jules
Vallès – l'Insurgé (1885)
Fritz
Lang – Metropolis (1927)
(Citation
déjà évoquée le 2 janvier 2009)
De Vallès à Fritz Lang, plus de quarante années ont passé,
mais le travail est resté un labeur qui ruine l’organisme humain et qui, avant
de le faire périr prématurément, le condamne à une vie de forçat. Pour le
capitaliste, l’homme n’est qu’un adjuvant de la machine il ne mérite même pas
les attentions qu’on prête à celle-ci en surveillant son bon fonctionnement et en
la graissant avec soin quand il le faut.
Aujourd’hui, il semblerait que ces souffrances au travail
soient oubliées : les hommes soulèvent des palettes énormes aux commandes
de leur Fenwick et les femmes conduisent des bus de 20 mètres de long. Pourtant
notre civilisation a inventé une nouvelle maladie : le burnout autrement dit l’épuisement au
travail. Tout se passe comme si, grâce au progrès du machinisme, on avait
épargné au travailleur des fatigues énormes, mais que dans le même temps on ait
récupéré l’énergie ainsi épargnée pour la réinvestir dans le travail de bureau,
lié à un clavier/écran d’ordinateur ou au téléphone du call-center. Et on prétend que cette maladie (quand on consent à la
nommer ainsi) est toute nouvelle, que jamais on n’avait vu pareille chose.
Hélas ! Même si les souffrances de l’employé
d’aujourd’hui ne sont pas aussi théâtrales que celle de l’ouvrier imaginé par
Fritz Lang, c’est exactement la même chose.
J’oserais presque dire que du goulag à l’entreprise moderne,
c’est exactement le même point de vue qui s’impose : considérer l’homme
comme une force qu’on peut utiliser comme bon nous semble dès lors qu’on en a
fait l’achat en échange d’un salaire : le travailleur comme dit Marx doit
à son patron la totalité de sa force de travail dans le temps imparti à son
labeur – d’ailleurs on voit l’importance prise aujourd’hui encore par la
question de la durée hebdomadaire de travail… (1)
Bref : celui qui rentre chez lui après une journée de
travail sans être épuisé a volé son patron.
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(1) Puisque j’évoque le goulag, remarquons qu’à la
différence des camps nazis, qui avaient pour but de faire périr les déportés en
les soumettant à la famine et au sur-travail, les goulags avaient pour but de
tirer le maximum de travail des prisonniers, quitte bien sûr à les faire mourir
très rapidement d’épuisement.
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