Wednesday, November 02, 2016

Citation du 2 novembre 2016

Ce qui est moral est ce que vous trouvez bon après et ce qui est immoral est ce que vous trouvez mauvais après...
Ernest Hemingway – La mort dans l'après-midi

Selon Hemingway, la morale est une affaire de conscience – d’état de conscience – et non de jugement de valeur. Les affres du dilemme de Rodrigue (1) n’ont donc rien à voir avec cette morale-là, puisqu’il faut avoir déjà agi pour connaitre la valeur de ce qu’on vient de faire.
On pourrait à bon droit s’en offusquer : est-ce qu’Hemingway se moque de nous non seulement en atomisant le bien et le mal, devenus des états affectifs propres à chaque individu, mais encore en suggérant que la morale est du domaine de l’après-coup, quand le mal (ou le bien) est déjà fait. Le mal : culpabilité irrécupérable ; le bien : plaisir peut-être imprévu. Autant jeter toutes les valeurs aux orties et de vivre sans boussole ni retenue.
A moins qu’on soit à un niveau un peu plus sophistiqué : oui, certes, vous allez réfléchir au sens de votre action, et choisir en fonction de valeurs reconnues et révérées par votre conscience. Comme Rodrigue, vous allez dire : « Courons à la vengeance ; /  Et tout honteux d'avoir tant balancé, / Ne soyons plus en peine, / Puisqu'aujourd'hui mon père est l'offensé, / Si l'offenseur est père de Chimène. ».
Mais après ? Je veux dire : la morale n’est-elle pas aussi dans l’après-coup ? L’émotion de l’action n’est-elle pas aussi une évaluation, induisant une ambivalence morale dans la quelle se débat le Cid : fierté d’avoir choisi le camp de la valeur et désespoir d’avoir pour cela renoncé au plaisir.
Faut-il croire que la morale des valeurs et celle des sentiments sont les mêmes ? Il reste toutefois au moins deux différences entre la seconde et la première :
- On ne choisit pas ses sentiments : bonheur ou malheur ils s’imposent à nous. Voici une morale dans la quelle nous n’avons plus à choisir, plus à décider.
- Les sentiments peuvent s’additionner même quand ils sont contradictoires, d’où la confusion du bien et du mal.
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(1) Les stances du Cid, acte 1, scène 6. Comme on le sait Rodrigue, après avoir occis le papa, reçoit du roi l’ordre d’épouser sa  fille – Bonne affaire. Mais il y a une condition : respecter avant consommer un délai d’un an qu’il devra passer à tuer des Maures (=musulmans). Voilà une fin heureuse…

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