Une femme seule se nourrit vite en avalant un yaourt, un bol
de café au lait, un fruit ou un biscuit. Quand elle cuisine pour quelqu'un, le
repas devient une rencontre où l'on échange des affects et des paroles bien
plus que des glucides, des lipides et des protides... La cuisine aussi est
sexualisée.
Boris
Cyrulnik – Les nourritures affectives
Réveillon de Noël (II)
Le Réveillon des dames.
Hier nous avons étudié la mise en bouche (sic), phase intime
du réveillon. Voici à présent le repas considéré comme arme de séduction
massive.
- Pas de mauvaises pensées, s’il vous plait ! L’idée de
Cyrulnik est que la séduction qui s’exerce entre hommes et femmes n’est pas obligatoirement
sexuelle – du moins quand elle est vue du côté des dames. Celles-ci
chercheraient d’abord en l’homme une épaule protectrice où nicher leur féminité
(cf. Post d’hier). Puis, étoffant les rapports de séduction, les femmes
rechercheraient des occasions où les affects s’échangeraient à l’occasion des
paroles qui survolent les mets du repas.
D’où l’on déduit que le repas du réveillon en tête à tête n’est
pas prioritairement l’occasion de ravir un palais raffiné, mais de nouer une
conversation intime parallèlement à la consommation de foie gras et de homard.
Cette recette de réveillon rejoint donc les prescriptions d’Emmanuel Kant qui,
comme on le sait (car on l’a rappelé ici), considérait le repas comme une
occasion de converser agréablement. Il donnait même un programme plus précis
que celui de Cyrulnik : « Quand
une table est bien garnie et que la multiplicité des services n’a pour but que
de prolonger la réunion des convives (cœnam ducere) l’entretien passe en
général par trois étapes : 1) le récit ; 2) le raisonnement ; 3) la
plaisanterie. » (1). Intéressant propos car on y voit qu’un réveillon,
ça ne peut pas s’expédier en deux coups de cuillère à pot, mais qu’en même
temps, multiplier les bons petits plats ce n’est pas seulement pour le
ravissement des papilles. Vous allez avec votre futur(e) conquête (on vous le
souhaite) raconter des histoire de bureau ou de vacances ; puis vous allez
vous hisser au niveau de la réflexion : que tirez de valable de ces
exemples vécus, quelles généralisations, quelles valeurs ? Attention
toutefois à ne pas planer trop haut, vous risqueriez de perdre en route
l’attention de votre convive. Car il faut aussi – et surtout – arriver au
moment de la détente : pas trop les plaisanteries dont parle Kant, mais
aussi et surtout des propos plus intimes : dire enfin ce que l’on aime en
espérant retrouver l’Autre à ce même endroit.
Demain
en cet endroit, vous trouverez les considérations plus particulièrement
adaptées aux messieurs.
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(1) Kant – Anthropologie du point de vue pragmatique
(Didactique anthropologique – Livre III, Du bien physique et moral suprême).
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