Qu'il est plus aigu que la dent d'un serpent / D'avoir un
enfant ingrat.
Shakespeare
– Le roi Lear
Tu quoque mi fili ! (Toi aussi, mon fils !)
Parole
prononcée par César voyant son fils Brutus au nombre des assassins venus le
poignarder au Sénat.
Vincenzo
Camucci – La mort de César
Le complexe de Brutus est en ce moment fréquemment évoqué
pour comprendre le geste par le quel Manuel Valls a (ou :
« aurait » ?) poussé François Hollande, à qui il doit beaucoup,
sur le bas-côté de la route politique (1). On dit : « On n’est jamais
si bien trahis que par les siens » – Certes ; mais ce n’est ni une
excuse ni une explication.
Rappelons d’abord une vérité historique : jusqu’à la
fin du moyen-âge chaque fin de règne a été marquée par une fronde du fils du roi
– du moins lorsque celui-ci qui tardait à mourir. Il semblait alors que
l’héritier ne se contentait pas de la promesse d’obtenir le pouvoir à la mort
de son père mais encore qu’il ne souffrait pas d’attendre celle-ci dès lors
qu’il était en âge d’exercer le pouvoir (2). Le pouvoir politique ne se
transmets pas si facilement : il doit toujours à un moment où à un autre,
se conquérir. Il semblerait que la démocratie n’ait pas mis fin à cette pratique.
Au fond, on serait tenté de dire que la vie politique est anhistorique en ce sens que chaque
époque y répète inlassablement les mêmes épisodes : le roi (ou le
Président) enfante (adopte) l’héritier
qui lui succédera mais c’est en même temps celui qui cherchera à l’évincer. La
soif de pouvoir est telle qu’on ne peut attendre le moment opportun :
ainsi de Manuel Valls livrant aux journalistes du dimanche des propos qui vont
déstabiliser un Président chancelant le forçant ainsi à renoncer à solliciter
un nouveau mandat (cf. note infra).
Je laisse à mes lecteurs le soin de dire s’il est possible
de généraliser cette observation à la vie politique toute entière : y
aurait-il ici ou là, en France ou à l’étranger des conquérants assoiffés de
pouvoir au point de ne reculer devant aucun excès pour l’obtenir ? Des
Charlemagnes, des Robespierre, des Napoléons ou des Bolivar ?
Si l’ennui vous gagne, essayer le jeu inverse : au quel
de ces personnages vous font penser nos jeunes et ardents politiciens
d’aujourd’hui ?
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(1) Manuel Valls se déclare avant le Président, candidat aux
Primaires de la gauche, le poussant ainsi à renoncer. Lire ici
(2) Exemple : le futur Louis XI qui s’associe à la
Praguerie pour chasser son père du trône avant de lui succéder réellement.
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