(A
Versailles), tricher est très mal vu : il est arrivé que Louis XIV exile de la
cour des mauvais joueurs. Savoir perdre est un savoir-être !
Béatrix Saule – Fêtes et divertissements
à la cour, du 29 novembre 2016 au 26 mars 2017, château de Versailles. Interview de la conservatrice Béatrix Saule.
Savoir
perdre est un savoir-être
! Quelle belle sentence ! Il est vrai que perdre sans sourciller, surtout
de grosses sommes d’argent, est le signe de la puissance de
l’aristocratie : on affiche sa noblesse par le dédain de l’argent
catalogué comme valeur bourgeoise.
- Maintenant,
voyons comment cela se présente si on l’applique à la vie politique.
Car devant
les déceptions des battus de la récente élection (1), on a dit :
« Quand on fait de la politique, il faut être prêt à subir des défaites,
de telle sorte qu’on n’en soit pas affecté pour repartir à la conquête du
pouvoir ». C’est la roue qui tourne : aujourd’hui elle me précipite
au plus bas et toi au plus haut ; demain elle aura tourné et ce sera
l’inverse.
- Certes. Mais
dans ce cas, la défaite est une fatalité, venue de l’extérieur et non une
conséquence nécessaire de la vie, un effet de la nature de l’être. Car voilà le
courtisan à Versailles : il est astreint à chaque instant à sentir que sa
position et même sa vie dépendent du bon vouloir du Roi. Si celui-ci peut
l’élever ou l’abaisser selon son bon-vouloir, c’est que la nature du courtisan
est d’être toute entière relative au Roi : sa vie à la cour est précaire,
plus encore que dans le domaine biologique où les lois de la nature lui
assurent une probabilité de survie selon son âge et son environnement. Le Roi
quant à lui est le Législateur souverain de son domaine royal et tous ceux qui
y vivent dépendent de Lui. Le pouvoir du roi sur ses sujets est une métaphore
du pouvoir divin.
- Et dans la
vie quotidienne en 2016, quelle est la valeur de cet adage ? Car
après-tout, il en va de la société comme de la partie de poker : chacun
court le risque de perdre dans une compétition qui jamais ne s’arrête : en
lutte dans l’entreprise, en compétition pour trouver la plus belle compagne, en
consommateur de produits dopants pour la suite. Peut-on tricher ? Oui,
mais moins qu’hier et bien plus que demain : inventez-vous un pedigree de
rêve, des diplômes que vous n’avez jamais passés, montrez vous avec des
« escorts » en les faisant passer pour vos conquêtes : les
réseaux sociaux vous pistent, ils dénicheront des photos ou des tweetos
d’autrefois, qui montrent la nullité de vos prétentions.
Autrefois la
compétition n’affectait que les plus hauts placés dans la société. Aujourd’hui
chacun de nous est en lutte pour garder ou pour gagner sa place partout à
chaque instant.
C’est ça le
progrès !
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(1) Il s’agit de la Primaire de la droite et
du centre
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