- Qu'y a-t-il dans un nom ? / Ce que nous appelons rose, /
Par n'importe quel autre nom sentirait aussi bon.
Shakespeare
– Roméo et Juliette
- Dans la langue, il n’y a que des
différences, sans terme positif.
Saussure – Cours de linguistique générale
- Traduction du mot «/rose/ » :
Anglais : pink
/ Basque : arrosa /
Afrikaans : pienk /
Chinois : Fěnhóng sè
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Il est inutile de vouloir, comme Cratyle, sonder les
sonorités des mots pour découvrir leur sens. Seul compte l’exigence de sens,
autrement dit, ce que nous voulons savoir c’est si (par exemple) le chinois qui
dit « fěnhóng sè »
1) pense à
quelque chose que ce son désigne,
2) et de
quelle chose il s’agit.
Tout le reste n’est que poésie – ce qui n’est pas rien, il
est vrai.
J’en étais là de mes réflexions, me disant que j’étais vraiment
entrain d’enfoncer des portes ouvertes quand cette phrase de Pascal m’est
revenue en mémoire : « La coutume est une seconde nature, qui
détruit la première». (1)
Oui, et en effet, si nous nous amusions à permuter les mots
en accolant à leur signifiant le signifié d’un autre, on aurait quelque chose
de très choquant (peut-être drôle mais choquant quand même), alors même que
nous serions seulement entrain de passer d’une convention à une autre.
Exemple : appelons « rose » les wc et « wc »
la rose et disons : « Avez-vous
senti comme les wc du jardin sont parfumés ? » - Ou bien: « Refermez correctement les roses, ce n’est
pas présentable ! » Et pourtant, en toute rigueur, si les mots
sont des conventions, il est très légitime de les permuter ainsi. Mais on sent
bien que ce n’est pas vrai : même averti de l’opération (pour un langage
secret comme aiment à en faire les enfants) on reste fortement liés à cette
habitude et les mots sont comme imprégnés du sens qui leur est habituellement
accolé. Ainsi, dès que l’on passe à l’étranger, les sonorités particulières
prises par les noms propres nous surprennent désagréablement (comme London pour Londres ou Beijing pour Pékin).
Saussure parlait d’arbitraire à propos de caractère contingent
du rapport signifiant/signifié : c’est un fait culturel bien ordinaire, et
pourtant nous ne le considérons pas comme tel, surtout lorsque sortant du
domaine du langage, on passe à d’autres conventions toute aussi arbitraires.
Faut-il donc s’habiller de noir pour un deuil, de blanc pour une femme qui se
marie alors qu’au Mexique on enterre les gens en costume blanc et que les
chinoises se marient en rouge.
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(1) On la trouve aussi chez Aristote (Ethique à Nicomaque)
et aussi chez Montaigne (« L’accoustumance est une seconde nature, et non moins
puissante. » Essais, Livre III, ch.10)
Et chez Pascal, Pensées frg 93 Brg
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