Le salaire est déterminé par la lutte entre capitaliste et
ouvrier. La victoire appartient nécessairement au capitaliste.
Karl
Marx – Manuscrits de 1844
Carlos Ghosn «
recevrait près de 15 millions d’euros en tant que président et directeur
général de l’Alliance Renault-Nissan » (1)
Les journalistes se font une gloire facile auprès de leur
lectorat en épluchant les feuilles de paye des patrons du CAC 40 ; en
général ils se font un plaisir de dire à combien d’années de labeur payé au
SMIC correspond celui de Carlos Ghosn ou de Bernard Arnaud (2)
Le scandale tient bien sûr aux difficultés à vivre des
pauvres smicards : est-ce juste qu’ils souffrent ainsi leur vie durant
alors que ces messieurs que rien ne distingue en tant qu’être humains du reste
des hommes sont cousus d’or ? Les indignés de tout poil s’exclament
« ces salaires sont indécents ! ». Mais pourquoi donc ?
Tâchons d’y voir un peu plus clair. Le salaire, comme tout
échange marchand, obéit à deux évaluations différentes :
- l’une, calculée sur la valeur dépensée pour produire la
marchandise. Si celle-ci est constituée par la force de travail mobilisée pour
la production, alors on dira que tout ce que le travailleur doit consommer pour
reconstituer sa force de travail (nourriture, foyer, ressources nécessaires à
élever les enfants qui viendront le remplacer à la production quand il sera
mort) constitue son salaire. C’est ce que Marx appelle le « salaire naturel ». Dans ce cas, le patron devrait vivre 150 fois plus longtemps (?) que son ouvrier pour utiliser l'argent gagné. C'est effectivement indécent.
- Mais n'oublions pas l’autre mode de calcul qui correspond au marché du travail. Plus la compétence d’un
travailleur est rare, et plus son salaire sera élevé. Un grand patron doit
alors être rémunéré en fonction du chiffre d’affaire de l’entreprise, comme on
le voit dans les extraits de presse cités.
On comprend que ce salaire constitue également une pression
exercée sur un homme qui pourrait être tenté de mettre son extrême compétence
au service de la concurrence. Imaginez monsieur Ghosn disant : « Ou
vous me filez mes 15 briques, ou je me fais embaucher par VW ». On
croitrait entendre Zlatan… (mais la même année et au même club (PSG) Thiago
Silva a touché 23 millions d’euros !)
- Certains seront émus de voir que pour toucher un gros
salaire il vaut mieux être footballeur que PDG. C’est vrai ; mais on ne
doit pas oublier que la compétition se fait sur le chiffre d’affaire supposé
permis par le talent du patron, tout comme le classement du club résulte de la
performance du joueur vedette. Ce qu’on paye en salaire est fonction du profit
espéré.
--> Voilà qu’on met la main sur le critère qui nous
manquait depuis le début : ce qui fonde le salaire, ce n’est pas la
montant nécessaire pour faire vivre le travailleur ; c’est le profit qu’on
peut en tirer. Investissement et retour-sur-invetissement
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(1) « Le constructeur français Renault envisage de
verser à son patron Carlos Ghosn un "package" de 7,2 millions
d’euros au titre de l’année 2014 en raison de l’amélioration des
performances de la marque, notamment sur le marché français (+5,1%). Soit
une hausse de 167%, presque trois plus que les 2,67 millions versés en
2013.
L’an dernier, le groupe a publié un chiffre d’affaires en
hausse de 0,3% à 41 milliards d’euros, et un bénéfice de 1,9 milliards d’euros,
trois fois plus qu’en 2013."
- La rémunération proposée par Renault est indépendante de
celle que Carlos Ghosn perçoit en tant que président de Nissan. En 2013 le
groupe japonais lui avait versé près de 7,6 millions d’euros et 7,2 millions en
2012.
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