Ce n'est pas parce que nous jugeons qu'une chose est bonne
que nous la désirons, mais c'est parce que nous la désirons que nous la jugeons
bonne.
Spinoza
– Ethique III, prop. 9 et scolie.
Quel est donc le fondement des valeurs ? D’où viennent-elles ?
Quelle est leur généalogie ? Qu’est-ce qui leur donne leur force en tant
que valeur ? En sommes-nous responsables ? …
Ces questions et bien d’autres encore nous assaillent quand nous
nous demandons si nos valeurs reposent sur un socle ferme, ou bien si elles ne
sont que du vent ?
Spinoza fonde la valeur non sur un être absolu dont elle
serait une manière de paraître (comme chez Platon où le Beau-en-soi est une
réalité bien plus authentique que celle de la beauté du bel objet qui n’en est
qu’un reflet), mais plutôt sur un rapport particulier à nous-mêmes : rien
n’est bon que le bon-pour celui-ci ou pour celui-là. C’est le désir qui fonde
la valeur, et le désir lui-même n’est rien d’autre que l’effort pour persévérer dans son être.
- Autrement dit ce que je désire me paraît bon parce que
c’est quelque chose qui me permettra d’être plus (ou plus longtemps) moi-même.
La valeur est donc l’expression du rapport entre le désirant et le désiré,
comme telle elle est parfaitement subjective et parfaitement incontestable – sauf
à la considérer comme l’aboutissement d’une illusions sur soi-même, comme
l’ivrogne désire boire et qui pense que l’alcool est bon pour lui (1).
Il en résulte que le problème que nous posions tout à l’heure
– à savoir : Quel est le fondement des valeurs ? – se résout chez
Spinoza exactement comme se résout n’importe quel problème scientifique. Je veux dire que c’est
en terme de vérité et de fausseté que le bon et le mauvais se distinguent.
N’est bon que ce qui est réellement
adéquat à ma nature, qui lui permet de se déployer sous le signe de la joie
(cf. commentaire en note). Ce qui est mauvais n’est pas du tout mauvais en soi,
mais c’est quelque chose que je prends fallacieusement comme étant bon (car
quiconque rechercherait sciemment ce qui le rend malade serait un fou).
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(1) « Tout ce qui
est se caractérise par le conatus c’est-à-dire par la tendance à
persévérer dans son être, à affirmer sa vie. L’homme « n’étant pas un empire dans un empire », est exposé à subir des passions et donc à former
des idées inadéquates l’égarant dans l’expression de ce qui affirme sa vie.
Seule la connaissance du vrai porte le conatus à son plus haut degré de
perfection, c’est à dire à une existence se déployant sous le signe de la joie. »
Commentaire de Simone Manon à lire ici.
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