Ces deux mots fatals : le mien et le tien.
Cervantès
Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève
l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur terre.
Par-là, il est une personne (…) c’est-à-dire un être entièrement différent, par
le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on
peut disposer à sa guise.
Kant
– Anthropologie du point de vue
pragmatique (lire ici)
Le « tien » ; le « mien » : par
quoi remplacer ces mots fatals ? Par : « le nôtre ». ?
Admettons : cette affirmation étant entendue, reste à
dire à quoi elle s’applique.
- Pas à ma brosse à dents ou à quelque objet intimes que ce
soit.
- Pas à mon fils ma fille ma femme.
--> Quoi que… Notre fils : oui ; notre
fille : ça va ; notre femme… là ça coince.
Trêve de balivernes : ce que Cervantès nous invite à
refuser ce n’est pas tant la propriété individuelle, rejetée au profit de la
propriété collective, mais c’est la propriété tout court. Car ce qui importe,
ce n’est pas de savoir qui possède
mais ce qu’on peut posséder.
Kant disait qu’on avait des devoirs de respect envers les
êtres humains parce qu’ils disposaient du « Je pense », mais que par contre on pouvait disposer comme bon
nous semble des animaux (Lire ici). Occasion de dire combien partout où des
hommes et des femmes sont considérés comme des choses qu’on peut posséder –
acheter ou vendre – on est dans la
barbarie.
- Partout ? Pas chez nous tout de même ?
Eh bien… Voyez ce qui se passe avec les migrants, ceux qu’on
a chassés de la jungle de Calais, ceux dont on a détruit le fragile abri à coup
de pelleteuse, ceux qui ne survivent que parce que certains humains estiment
qu’on n’a pas le droit de faire ce qu’on veut avec d’autres êtres humains. Pourtant
les dirigeants qui prennent ces responsabilités indignes sont bien des être
doués de conscience morale ; certains se définissent même comme de bons
catholiques. Alors, comment est-ce possible ?
Il faudrait leur demander. Quant à moi, je suppose que cela tient au fait que,
dès qu’on considère non pas la personne humaine individuelle, mais le groupe,
le collectif, la masse, alors on perd le sens de leur humanité, ce ne sont plus
des êtres « qui possèdent le
Je », on n’a plus affaire qu’à une masse impulsive, qui se plaint, qui
se met en colère, qui tremble. Et le pire, c’est qu’on ne revient pas à la
perception de l’individu comme ça. On voit chaque migrant comme afghan ou comme
syrien ou – encore plus près de chez nous, au coin de la rue – comme rom.
1 comment:
je reviens pour le commentaire
je vous embrasse jean pierre
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