L’angoisse semble-t-il, constitue l’humanité: ce n’est pas l’angoisse
seule, mais l'angoisse dépassée, mais le dépassement de l’angoisse. La vie est
en son essence un excès, elle est la prodigalité de la vie.
Georges
Bataille – L'Erotisme (1957)
Quand l’angoisse nous prend, que doit-on faire ?
Prendre un tranquillisant ? Se contenter d’une petite
fumette ? Ou bien se dire que c’est
le moment de tenter l’aventure prônée par Georges Bataille, qui consiste à dépasser l’angoisse.
Bon : ça, on veut bien, mais c’est quand même un peu
difficile, parce que l’angoisse, ça ne se commande pas : quand ça vous
prend, la gorge nouée, la poitrine bloquée, il ne sert à rien de dire « Stop !
Respirons un grand coup et pensons à autre chose ! » Ou plutôt on
peut bien faire ça, mais ce n’est pas cela qui permettra de dépasser l’angoisse.
Relisons Bataille : ce qu’il recommande, c’est de vivre
avec tout ce que cela comporte de risque, d’excès, de dépassement des limites,
car vivre c’est ça : respirer un air peut être plein de germes mortels,
monter dans un avion qui risque de se crasher, faire l’amour avec une belle
femme qui a peut-être caché un pic à glace sous le lit. Oui, pour vivre il faut
oublier tout ça, passer par dessus, prendre son élan et sauter.
The
fallling man – Word Trade center 11-09-2001
Cette photo d’un homme qui s’est jeté dans le vide depuis le
haut du Word Trade center qui était en flammes lors de l’attentat du 11
septembre a bouleversé tout le monde : cette attitude élégante et paisible
d’un homme qui sait inévitablement que sa mort va survenir dans la seconde qui
suit : « Il est dans les mains de Dieu » a-t-on dit. Mais
peut-être aussi cette posture ne serait pas possible sans cette disposition à
dépasser l’angoisse : car si l’angoisse est bien constitutive de
l’humanité des hommes, c’est dans la mesure où elle apporte avec elle ce
dépassement, ou plutôt ce désir de la laisser derrière soi, cette urgence à
prendre son élan pour sauter.
No comments:
Post a Comment