Une chose n'a pas une valeur parce qu'elle coûte, comme on
le suppose, mais elle coûte parce qu'elle a une valeur.
Condillac
– Œuvres complètes (1798)
Comme on s’en doute, la question du fondement de la valeur
peut, après Spinoza, recevoir encore bien des réponses, comme celle que nous
propose aujourd’hui Condillac.
Quelle est donc la valeur dont parle Condillac ? Quelle
est cette valeur qui fonde le juste prix d’une marchandise ?
Pour parler comme Marx, nous dirons que les marchandises ont
une valeur d’échange (= le prix) qui dépend soit de la valeur-travail, soit de la
valeur-marché.
Par exemple, quand j’achète une voiture, je suppose que je
paye ce qu’elle a couté en heures de travail et en matières premières à transformer
pour la construire : c’est la valeur-travail (1). Par contre le prix que
coûte le carburant que je mets dans son réservoir ne dépend pas seulement du
coût de son extraction et de son acheminement mais aussi du prix du baril fixé
par le marché du pétrole : c’est la valeur-marché, qui est fonction de la
rareté de l’offre comparée à la demande. La première valeur est absolue,
entendons que c’est la réalité matérielle qui fixe son prix ; la seconde
est relative, puisque le même objet vaudra plus ou moins selon les fluctuations
de la demande.
On peut penser que Condillac se rallie à la première formule
puisque le prix de la marchandise dépend d’une valeur contenue dans la chose
elle-même.
… A moins de supposer que la valeur dont il parle soit celle
du prestige apporté par la possession : plus c’est cher et mieux ça vaut
pour se faire valoir. Si j’arrête ma voiture devant un palace, mieux vaut que
les clés que je tends au voiturier soient celles d’une Mercedes plutôt que
celle d’une Dacia. Contre quoi, Condillac proposerait peut-être de reconnaitre que
c’est la valeur intrinsèque de la chose qu’il faut retenir : une
antique 2cv vaut mieux pour traverser le Sahara qu’un cabriolet à 100000 euros.
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(1) Raison pour la quelle on fait fabriquer les voitures
dans les pays où la main d’œuvre est moins chère.
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