…Mes petits enfants, (…) je vous donne un commandement
nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés,
vous aussi, aimez-vous les uns les autres
Evangile de Jean
13, v. 33-34
Nous n’arrivons pas à l’humanité par étapes, en traversant
la famille et la nation. Il faut que, d’un bond, nous nous soyons transportés
plus loin qu’elle et que nous l’ayons atteinte sans l’avoir prise pour fin, en
la dépassant. Qu’on parle d’ailleurs le langage de la religion ou celui de la
philosophie, qu’il s’agisse d’amour ou de respect, c’est une autre morale, un
autre genre d’obligation.
Bergson
– les deux sources de la morale et de la religion.
1 – Peut-on aimer sur commande ?
« Aimez-vous les uns les autres » : ce
commandement peut quand même surprendre, car il s’agit d’un commandement d’aimer : peut-on aimer sur
commande ? Même Kant reconnaît que le devoir d’aimer son prochain nous
invite non pas à l’aimer d’un amour de sentiment – charité d’affection – mais à pratiquer envers tout être humain une charité d’action : rendre le bien
pour le mal, faire du bien aux autres, un tel amour a sa source non pas dans la
sensibilité mais dans la volonté (1).
2 – Pourquoi obéir à ce commandement ?
L’idée simple est que ce commandement émane de Dieu qui est
le fondement de toute valeur : il suffit que Dieu existe pour qu’on n’ait pas à se poser la
question du « pourquoi ».
- Reste que Jésus ajoute à ce commandement l’invitation à
suivre son exemple, celui de sa vie : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». Et on
peut dire qu’il nous montre ce que c’est qu’aimer les hommes : c’est se
sacrifier comme il le fait pour eux tous quels qu’ils soient. Mais, philosophiquement
son rôle ne s’arrête pas là : il est un exemple qui nous pousse vers lui,
ou plutôt qui nous attire et nous donne la passion de le suivre, passion dont la morale ouverte de Bergson a besoin
pour exister (2). Tel est le rôle du « héros » dont l’appel résonne
en nous de façon impérative : qu’il soit Jésus ou Socrate, il nous invite
à voir en tout être humain, un homme pourvu des qualités de l’humanité, puisqu’il
est un enfant de Dieu ou être doué de raison.
3 – Dans quelle mesure l’humanité est-elle digne de
respect ?
On peut donc considérer que ce devoir repose sur la
reconnaissance de l’autre comme membre de l’humanité dont il partage en
totalité la nature. Le croyant qui aime son Dieu aime donc également les hommes
qui sont ses créatures. Le philosophe aime les qualités humaines, qu’elles
soient incarnées par la raison ou par la sensibilité humaniste. Simplement pour
parvenir à voir en chaque humain si cruel ou débauché soit-il un enfant de Dieu
et de la Raison, il faut d’abord avoir pris conscience que l’humanité est la valeur
suprême, intuition que ne résulte pas d’une addition des individus mais bien
que, d’un bond, nous l’ayons atteinte
sans l’avoir prise pour fin, en la dépassant.
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(1) Le texte de Kant (Critique de la raison pratique),
assorti d’un commentaire éclairé est cité ici. (Blog de Simone Manon)
(2) Sur la morale
ouverte on peut poursuivre la lecture de
ce commentaire également de Simone Manon. N’oublions pas, soit dit en passant,
la religion ouverte.
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