L'homme est un être raisonnable, mais les hommes le sont-ils ?
Raymond Aron
L’idée du cercle n’est pas un cercle, le concept de chien n’aboie pas, bref, il ne faut pas confondre le réel et son concept.
Louis Althusser - La soutenance d’Amiens (1).
« Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont et les lois telles qu’elles peuvent être. » écrit Rousseau dans les premières lignes du Contrat social. Ici il s’agit de substituer la science à la philosophie, rechercher dans la réalité des sociétés la réalité des hommes, laissant de côté la philosophie et ses concepts.
Peut-être faudrait-il rappeler cela aux politiques qui prétendent prendre en charge la réalité comme si elle se rangeait dans les petites boites des mots. Car, s’il y a quelque chose qui me donne de l’urticaire en ce moment, c’est bien l’emploi des substantifs pris absolument (LA liberté, LA démocratie, L’homme et LA femme…), parce qu’on prétend substituer le concept à la réalité. Or, comme le dit Spinoza, l’idée du cercle n’est pas le cercle concret de même que le concept de chien n’aboie pas (cf. note).
--> Entre l’idée et la réalité il y a un hiatus lié au fait que le réel est composite, que ses éléments ne sont pas forcément rangés dans le même ordre que dans le concept et que certains d’entre eux jouent un rôle qui ruine l’harmonie du tout.
Dans l’exemple choisi par Aron, l’homme-concept est un animal raisonnable, c’est à dire qu’il possède une raison. Maintenant une chose est de posséder la raison et une autre de s’en servir. L’homme raisonnable peut fort bien devenir déraisonnable dans certaines conditions qui ne sont pas énoncées dans le concept.
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(1) Ici Althusser cite Spinoza, seulement on ne trouve nulle part cette occurrence, Spinoza n’ayant évoqué que le cercle : « Autre chose est le cercle, autre chose l’idée du cercle. L’idée du cercle n’est pas quelque chose qui ait une circonférence, un centre, comme le cercle ; et l’idée du corps n’est pas le corps lui-même. » Traité de la réforme de l’entendement (Paragraphe 27 dans la numérotation d’Appuhn, 33 dans celle de Caillois)
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