Le choix en politique n'est pas entre le bien et le mal,
mais entre le préférable et le détestable.
Raymond
Aron – Interview
Faire place à un peu d’actualité sans perdre de vue la
généralité : voilà le défi.
Un peu d’actualité : les sondages disent que jamais les
électeurs n’ont été aussi indécis : 30% disent ne pas savoir encore pour
qui ils vont voter. On peut s’en réjouir en se disant qu’ils seront ouverts aux
débats électoraux ; on peut aussi s’en inquiéter en pensant aux déceptions
qui ont conduit beaucoup d’entre eux à abandonner le candidat de leurs rêves,
déçus par ses malversations ou (pire) par ses reniements.
Car voilà la généralité à la quelle on arrive : comment
disjoindre le politique du moral, comment arriver à considérer le candidat
pragmatique et à oublier l’homme corrompu ? Selon l’angle on choisit
celui-ci (ou celle-ci) en se disant que décidément on n’aura pas meilleur, ou
on le bannit est pensant qu’on ne peut décemment pas voter pour un escroc.
Comment sortir de ce dilemme ?
Raymond Aron nous y aide : en politique, dit-il, vous
n’avez pas à choisir entre un candidat qui représente le bien et un autre qui incarne le
mal – car le choix politique n’est pas un choix éthique. Par contre vous
avez à choisir entre le préférable et le
détestable ;
--> Le préférable plutôt que le bien ; le détestable
plutôt que le mal : quelle différence ?
Eh bien admettons que le préférable ne soit que relatif et
provisoire. Si l’on refuse d’ouvrir nos frontières aux migrants ce qui serait
le Bien (supposons-le un instant), on peut encore juger préférable
d’accepter les quotas imposés par Bruxelles, plutôt que la détestable politique
qui consisterait à quitter l’UE comme l’ont fait les britanniques.
Oui, mais enfin, quelle raison aurions-nous d’écarter le
bien si nous savons le reconnaître ?
C’est que le bien est inconditionnel, il vous contraint à
entrer dans la gouvernance radicale, celle qui obéit à l’éthique de la
conviction (1) : qu’importent les effets, du moment que nous sommes en
accord avec nos principes ?
--> On aura reconnu la situation imposée par les
élections présidentielles américaines : en choisissant ce qu’ils ont perçu
comme étant le bien, les électeurs américains ont mis en place un régime
détestable.
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(1) Max Weber – Lire ici
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