Saturday, March 25, 2017

Citation du 26 mars 2017

L'interprétation n'a pas plus à être vraie que fausse ; elle a à être juste.
Lacan – C’est à la lecture de Freud...
Que signifie interpréter lors qu’on est un analysant ? La même chose que quand on chante une partition musicale : il faut chanter juste, c’est à dire s’identifier totalement à la musique de telle sorte qu’il n’y ait aucune différence entre l’écrit et la choses même, ou si l’on veut entre le signifiant et le signifié. Et bien sûr c’est le même principe lorsqu’on interprète un rôle, comme ici Maria Callas dans de personnage de Médée : incarner parfaitement la femme outragée qui va assassiner ses enfants pour punir leur père.

Maria Callas dans Médée le film de Pasolini

Maria Callas, en dehors de son génie de cantatrice a le talent de la tragédienne : elle parvient à rendre vivant le spectacle de la fureur féminine sans chercher à nous communiquer une réflexion à son propos  Alors que la vérité conserve une distance par rapport à l’objet connu, la signification doit d’abord s’incarner, et pour cela il faut abolir la distance qui sépare celui qui l’énonce la chose énoncée. C’est sans doute cela la catharsis.

Du coup on franchit la frontière très embarrassante qui habituellement sépare la vérité de la signification. Car on dit que la science doit accéder à la vérité, mais que la philosophie peut fort bien se satisfaire de découvrir la signification – par exemple, la signification de l’existence  et non sa « vérité ». Mais toutes ces évaluations se valent-elles ? Si aucune norme ne vient à notre secours ne risquons-nous pas de bénir n’importe quel délire ? Parce que la comparaison à la musique laisse possible le recours au diapason : le « la » est à 440 Hertz, pas un poil de plus (1). Mais pour l’acteur les variantes sont quasi infinies : comment s’y repérer ?
Je propose qu’on sélectionne les plus intéressantes à leur effet : il s’agit de faire pénétrer dans l’intimité d’un personnage, de lui donner une cohérence, de permettre sinon de prévoir, du moins d’admettre les péripéties de l’histoire telles que le caractère du héros le donne à comprendre.
« Donner une cohérence » : le terme est significatif : une interprétation doit donner une cohérence aux étapes de l’histoire et on devine que l’analysant évoqué par Lacan est concerné également  par ce principe. Qu’est-ce qui donne son unité à ma vie ? Qu’est-ce qui la présente comme un tout organisé selon quelques principes ? Et ces principes peuvent-ils faire deviner quelles seront les prochaines étapes, compte tenu de ces fondements ? Par exemple, comment réagirais-je lorsque j’aurai un AVC ou un diagnostic de cancer du pancréas ? Moi qui suis à présent vieux je devrais pourvoir deviner, et me dire : On meurt comme on a vécu…
Qui vivra verra.
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(1) Je laisse de côté les  variations de cette fréquence admises au cours de l’histoire. On se reportera à l’article Wiki pour les détails.

1 comment:

FRANKIE PAIN said...

chapeau philosophe.
Je ne reviens pas sur vos propos car cette analyse resonne totalement, amie du premier passeur aprés lacan,
manger à sa table pendant 10ans 7 à 8 fois par semaine. cette question était souvent évoquer avec la rigueur qui s'impose sur l'interprétation des hyeroglyphes de être humain...
j'adore votre conclusion qui est une forme dehumour ou de cynisme comme faisant un pied de nez à ce que vous avait écrit et offert plus haut .
Grand morceau
et souvent avec les philosophes de mes fréquentations bien souvent avortés de mon fait fatiguée de le voir avec autant de mépris pour la psychanaliste...
alors merci
je vous embrasse cher jean pierre