Plus ça
change, plus c’est la même chose.
Alphonse Karr – Les Guêpes
De quoi
avons-nous le plus besoin ? De changement,
et c’est bien cela que nous promettent les prétendants au pouvoir présidentiel :
la rupture, oui ! C’est cela
qu’il nous faut : comme les choses vont mal, on doit les changer si l’on
veut que ça aille mieux.
Seulement
voilà : Plus ça change, plus c’est
la même chose.
Du coup les
électeurs se partagent en deux camps : les uns disent :
« Essayons ce qu’on n’a jamais tenté : visons les extrêmes là où l’on
n’est jamais allé, là où ça devrait changer vraiment ! ». Les autres
disent : « C’est fini. Fi-ni ! Je ne me dérangerai
plus jamais pour voter : tous pareils, tous corrompus, tous ardents
défenseurs de leur seul intérêt, jamais de celui du peuple. »
Pourquoi cette
recherche de changement, sinon parce que nous sommes insatisfaits des
politiques menées depuis – disons 30 ans, même si c’est beaucoup plus ancien
que cela – et qu’on ne veut plus continuer ? Seulement, on en tient pas
compte de la durée nécessaire aux changements : combien de temps faut-il
attendre pour espérer en voir un porter ses fruits ? Par exemple,
aurait-on l’idée, après avoir planté un pommier, de l’arracher l’été suivant parce
qu’on est déçu de la récolte ? Bien sûr il lui faut du temps pour arriver
à maturité
– sous réserve qu’on ait choisi l’arbre qui va s’acclimater au pays. Mais
comment le savoir ? Attendre pour voir, ou
bien écouter les pronostics des arboriculteurs qui ne connaissent rien à
la région, ni à son climat, ni à son sol, et qui ne cherchent qu’à faire les
savants qu’ils ne sont pas ?
Mais toute
cette philosophie de coin de comptoir n’est pas transposable à la vie politique.
Car ce qu’il faut changer, ce ne sont pas les candidats, ni ceux qui commentent
la vie politique : c’est nous
qu’il faut changer, nous qui prétendons acheter le progrès par nos votes comme
on achète la soupe en boite : un tour de clé et hop ! c’est servi.
Nous avons
une vie trépidante, dans le changement, ou plutôt dans l’éternel retour de ce
qui a changé. On croit alors que tout va comme ça, que les pommiers donnent des
fruits à peine plantés et qu’une politique donne des résultats dès qu’elle est
votée. Contre quoi il faut se rappeler que le temps est une constituante même
des choses.
« Il faut attendre que le sucre fonde »
disait Bergson à propos du morceau de sucre qu’il mettait dans son verre d’eau
durant ses cours au Collège de France. Chaque chose à sa temporalité :
celle de nos besoins n’est pas la même que celle de la nature. Nous forçons la
nature à donner des fruits en 6 mois et nous pensons que de nouvelles taxes donneront
un progrès social en moins d’un an. Mais quand on voit les résultats des élevages
de veaux forcés aux hormones, on se dit qu’il ne serait pas raisonnable de
vouloir faire la même chose en économie.
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