Béconomiser :
ménager ses bisous, gérer avec parcimonie son capital tendresse.
Alain
Finkielkraut – Petit fictionnaire illustré (1981)
Ci-contre :
Alain Finkielkraut en 1984
On l’oublie souvent : Alain Finkielkraut n’a pas toujours
été le censeur intransigeant des mauvais usagers de la langue française. Il a
aussi commis dans sa jeunesse cet ouvrage fait de jeu avec les mots, de
mot-valises permettant de stimuler l’imagination et en même temps de donner du
plaisir.
« Le petit fictionnaire
illustré (1981), clin d'œil humoristique à la langue interroge sur
l'apparence et la réalité de phonèmes véhiculant nos pensées, tel un jeu de
miroirs constamment brisés » (lire ici). Oui, au fond, si les mots
nourrissent notre pensée il est vrai qu’en retour nous les fécondons de
nouvelles significations, soit en les appareillant dans des phrases soit – plus
radical – en les brisant pour les recoller mélangés entre eux.
Maintenant demandons-nous sérieusement ce que nous
apporterait le mot « béconomiser » s’il était admis comme mot usuel.
- D’abord, si nous n’avions que le début de la phrase :
« gérer avec économie son capital… » il est sûr qu’on n’irait jamais
la compléter avec le mot tendresse.
Je dirai même que le fait d’accoler la tendresse à la gestion d’un capital constitue
un véritable scandale.
- Ensuite on admettrait que le fait de « gérer avec
économie son capital tendresse » serait assez courant pour qu’on ait
besoin d’un raccourci tel que ce mot pour le dire – économisant pour le coup le
temps et la salive nécessaire pour énoncer la phrase que nous venons de
recopier. Cette fréquence serait un second scandale. Heureusement, le Fictionnaire, autrement dit le dictionnaire
des fictions du langage est là pour nous rassurer : tout cela n’est qu’un
jeu innocent.
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