Saturday, March 18, 2017

Citation du 19 mars 2017

Béconomiser : ménager ses bisous, gérer avec parcimonie son capital tendresse.
Alain Finkielkraut – Petit fictionnaire illustré (1981)
Ci-contre : Alain Finkielkraut en 1984
On l’oublie souvent : Alain Finkielkraut n’a pas toujours été le censeur intransigeant des mauvais usagers de la langue française. Il a aussi commis dans sa jeunesse cet ouvrage fait de jeu avec les mots, de mot-valises permettant de stimuler l’imagination et en même temps de donner du plaisir.
« Le petit fictionnaire illustré (1981), clin d'œil humoristique à la langue interroge sur l'apparence et la réalité de phonèmes véhiculant nos pensées, tel un jeu de miroirs constamment brisés » (lire ici). Oui, au fond, si les mots nourrissent notre pensée il est vrai qu’en retour nous les fécondons de nouvelles significations, soit en les appareillant dans des phrases soit – plus radical – en les brisant pour les recoller mélangés entre eux.
Maintenant demandons-nous sérieusement ce que nous apporterait le mot « béconomiser » s’il était admis comme mot usuel.
- D’abord, si nous n’avions que le début de la phrase : « gérer avec économie son capital… » il est sûr qu’on n’irait jamais la compléter avec le mot tendresse. Je dirai même que le fait d’accoler la tendresse à la gestion d’un capital constitue un véritable scandale.

- Ensuite on admettrait que le fait de « gérer avec économie son capital tendresse » serait assez courant pour qu’on ait besoin d’un raccourci tel que ce mot pour le dire – économisant pour le coup le temps et la salive nécessaire pour énoncer la phrase que nous venons de recopier. Cette fréquence serait un second scandale. Heureusement, le Fictionnaire, autrement dit le dictionnaire des fictions du langage est là pour nous rassurer : tout cela n’est qu’un jeu innocent.

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