Le journaliste est un interprète de la curiosité publique.
Bernard
Pivot – Le Métier de lire
Trompettes / De la renommée, / Vous êtes / Bien mal
embouchées.
Brassens
Les journalistes sont actuellement critiqués par les hommes
politiques comme étant responsables de leurs déboires éthiques ou judiciaires.
On leur reproche tantôt de faire une instruction uniquement à charge contre les
politiciens soupçonnés de malversation ; tantôt on les accuse de ne pas relayer
suffisamment les informations qui seraient vraiment utiles.
La presse quant à elle répond tantôt que la vérité n’a pas à
être nécessairement bénéfique pour les candidats aux élections ; tantôt
qu’ils répondent à « la curiosité du public ». « Les français ont le droit de savoir » répète inlassablement Jean-Jacques Bourdin, un
interviewer connu pour ses méthodes un peu radicales lors de ses entretiens (1).
Toutefois, la citation de Bernard Pivot soulève quelques
difficultés : que le journaliste relaye la curiosité du public, on l’admet
sans peine. Mais que cela lui donne un droit à exiger une réponse à ses questions, là on commence à douter.
Même un accusé a le droit de se taire lorsque les enquêteurs l'interrogent : qu’est-ce qui fondrait un « devoir de parler » ?
La curiosité n’est pas une véritable justification : mes voisins peuvent
bien être très curieux de savoir ce que je fais chez moi, entre les 4 murs de
ma maison lorsqu’ils ne peuvent me voir. Et alors ? C’est seulement
lorsque leur intérêt propre est en cause qu’ils peuvent réclamer. Et
encore : si je dois passer entre les mains d’un chirurgien je suis en
effet justifié de demander s’il se livre à la consommation régulière de drogue
ou s’il est alcoolique. Mais je n’ai aucun droit à enquêter chez lui, et tout
ce que je peux exiger, c’est un test à l’entrée du bloc prouvant son
abstinence.
Mais la formule de Pivot a aussi une autre
signification : c’est que la curiosité du public n’est pas seulement la
justification du travail du journaliste, elle montre que sa véritable vocation
est là – renseigner le public sur ce qu’on lui cache, sachant que découvrir ce
qui est défendu est depuis l’origine de l’humanité, certes un péché, mais aussi
un grand bonheur. De même qu’Adam a eu sans doute un grand bonheur à mordre
dans le fruit défendu, de même les lecteurs de Closer se sont précipités pour
voir le Président sur son scooter en pleine nuit.
La
« Une » de Closer relayée par le Huffington Post
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(1) Une présentation assumée par l’intéressé dans cette vidéo.
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