Monday, July 10, 2017

Citation du 11 juillet 2017

Le comique, c’est du mécanique plaqué sur du vivant.
Bergson – Le rire

Je commencerai en citant ce texte fort clair pour résumer la thèse de Bergson sur le rire :
« (Pour Bergson) être vivant, c’est donc, d’abord, être attentif, aux aguets, sur le qui-vive, apte à repérer ce surgissement de l’inattendu et de l’inopiné ; c’est, ensuite, être souple et flexible, c’est-à-dire en mesure de réagir et de répondre à une situation singulière et originale. En un mot, c’est s’adapter. Et il en va de la vie sociale comme de la vie en général
Le rire advient quand quelqu’un n’est ni suffisamment attentif ni assez souple pour bien repérer et réagir au surgissement de l’imprévu, quand, selon la célèbre formule de Bergson, il y a « du mécanique plaqué sur du vivant ». Ainsi de l’homme qui glisse sur une peau de banane, ou du passant qui devient un pantin désarticulé en glissant sur le trottoir. » (Sophie Chassat – Sois brillante et pas qu’avec ton gloss ! (Lire ici)

Et puis je me tournerai vers l’actualité résumée par cette photo qui a fait plusieurs fois le tour de la blogosphère :



Tour de France : Chute durant l’étape du 2 juillet 2017


On avouera sans peine que cette image illustrant une des chutes qui parsèment les étapes du Tour de France 2017 donne le spectacle de « mécanique plaqué sur du vivant » tel que décrit et illustré par Bergson lui-même. Et pourtant on dira aussi que ce n’est pas comique, que l’on se sent même horrifié par ces corps qui s’entassent pêle-mêle, voire même qui jaillissent comme des fusées, glissant sur la route pour s’écraser contre un rocher. Une compassion instinctive nous saisit et rien ne parait alors plus éloigné que le rire moqueur : Bergson se serait-il trompé ?
On dira d’abord que si le comique signe la présence de mécanique plaqué etc., la réciproque n’est pas forcément vraie : il existe des cas ou ce mécanisme n’est pas spécialement comique. Et pourtant, il n’en est pas moins frappant : les reportages des étapes, parfois monotones sont vivifiés par ces accidents, comme si on avait besoin d’eux pour galvaniser l’attention.
Avant-hier (8 juillet) un coureur a été victime d’une autre chute qui aurait pu être dramatique – mais elle est intervenue durant un écran publicitaire. Désolation des commentateurs qui n’ont pas pu faire entendre aux téléspectateurs le cris de surprise et d’effroi qui fut sans doute le leur sur l’instant ; reprenant l’antenne, des trémolos d’émotion dans la voix, les voici qui nous passent et repassent – y compris au ralenti – ces images. « Vous avez bien vu ? Regardez mieux : la roue avant mord le bas côté, le coureur a mal calculé sa trajectoire (perte de lucidité ?). Voyez comme il rebondit et traverse la route – sur le dos – et percute un autre coureur qui chute à son tour. Les secours – minerve – civière – gravité ? – etc. »

On dira que c’est là le processus banal d’hystérisation des émotions pour capter l’attention des spectateurs. Sans doute, mais pour ma part j’y vois aussi un processus naturel de rupture dans les mécanismes habituels de la vie, quand le mécanique fait rupture dans le vivant.

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