La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un
poste important, on désignerait une femme incompétente.
Françoise
Giroud – interview au journal Le Monde 11 mars 1983
L’égalité est un bien joli mot, mais comment savoir si elle est autre chose qu’un mot ? A quoi reconnaît-on qu’une société traite à égalité tous ses membres – et en particulier les hommes et les femmes ? On a beaucoup parlé, à propos de l’égalité hommes/femmes, de discrimination positive ; mais selon Françoise Giroud l’égalité se révèlerait plutôt par l’égale acceptation de la médiocrité. Et en effet: pourquoi serait-il scandaleux d’observer qu’une femme est incompétente dans les fonctions qu’elle occupe, alors qu’on admet sans sourciller que ça arrive avec les hommes – et plus souvent qu’on l’imaginerait ?
- Le 14 juillet, parmi les polytechniciens qui vont défiler sur
les Champs-Elysées, il y aura quelques jeunes femmes qui auront l’épée au côté
et le bicorne sur la tête. Et on dira : « Voyez comme nous sommes
égalitaires ! Chez nous les femmes ont le droit de devenir polytechniciennes
– et aussi académiciennes. On se propose même de panthéoniser un homme
simplement parce qu’il a été le compagnon fidèle d’une femme – Simone
Veil »
« Quelle blague ! » s’exclamera la féministe contestatrice
« Comme si ça changeait quelque chose à la condition des femmes !
Voyez la soit-disante parité à l’Assemblée Nationale : toutes ces femmes
élues servent à remplir les travées de députés-godillot, trop émues d’être
admise à voter comme on leur a dit, pour demander quelque chose de plus. Et
combien de femmes pour diriger les Commissions, combien ont été élues
Questeur ? Et on ne parle pas de la Présidence ou de la
vice-présidence. »
« On dit : manque de candidates qualifiées pour
ces postes ! Et alors ? Croyez-vous que tous ces messieurs ont autre
chose à faire valoir pour l’obtention de ces responsabilités que du copinage à
haut niveau ? Et si d’aventure ils étaient incompétents, croyez-vous qu’on
en ferait tout un scandale ? Eh bien les
femmes seront vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on
désignerait une femme incompétente. »
Imparable, mais ça manque un peu de souffle pour soulever
l’indignation devant les injustices sociales.
Mais alors que faut-il donc faire ? Demandons à la
Râleuse de service de poursuivre son raisonnement :
« Certains affirment que pour connaitre la justice
sociale d’un pays, c’est la condition des plus pauvres qu’il faut considérer. Eh
bien faisons pareil : pour évaluer la condition des femmes, ne regardons
pas les fortes personnalités, ni celles qui ont le QI de NKM (1). Ce sont les
petites gamines tout juste sorties du collège, sans aucun diplôme et celles qui
n’ont pas pu s’épanouir, obligées de torcher les frères et sœurs pendant que la
mère travaillait à l’usine et que le père picolait au bistrot. Ces jeunes
femmes n’ont pas eu forcément l’occasion de mettre dans leurs neurones les
vitamines dont ils avaient besoin, ni dans leur mémoires la poésie de Victor
Hugo. Certaines sont même quasiment illettrées. Mais quand on dit ça
chutttt ! (2) N’en parlons pas ! Mieux vaut évoquer le « plafond
de verre » qui dépend de la mentalité sexiste – contre la quelle on ne
peut pas grand chose – et non des injustices sociales qui frappent les femmes –
et aussi pourquoi pas ? – les hommes.
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(1) Nathalie Kociusko-Moriset ministre du temps de Sarkozy et
polytechnicienne du temps de sa jeunesse
(2) Cf. le scandale suscité par les propos de monsieur Macron
à propos des ouvrières de Gad – lire ici
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