La pauvreté attire facilement le mépris. Quelque véridique
que soit l'indigent qui se plaint des torts qu'on lui a faits, nous croyons
toujours que ce qu'il en dit, est pour mettre notre sensibilité à contribution.
Ménandre
– Fragments - IVe s. av. J.-C.
Depuis Ménandre, les choses ont-elles changé ?
Sommes-nous devenus moins soupçonneux à l’égard des malheureux qui mendient un
peu de nourriture ou de protection ?
Voyez les SDF : on a toujours l’impression, non
seulement qu’ils vont nous taper une thune mais aussi qu’ils sont, quoiqu’ils
en disent, responsables de leur triste histoire. Ont-ils été injustement chassé
de leur emploi par un patron psychopathe et viré de chez eux par l’amant de
leur femme ? Hum… On reste persuadé que ce qui leur arrive ne pourrait
arriver à quelqu’un de normal – comme nous !
Voyez les récits de vie des demandeurs d’asile. C’est là
surtout que notre mauvaise foi trouve à s’exprimer : tous ces gens ne nous
mentent-ils pas lorsqu’ils nous racontent leur triste histoire ? Ils auraient
été victime de la Mafia, des policiers corrompus ou des nervis à la solde d’un dictateur ? Leur récit est
sans preuve, et s’il est vrai que réunir
des témoignages probants quand on parvient à s’échapper des geôles de tortionnaires
de la police n’est pas forcément très commode, on a quand même l’impression
qu’ils font tous le même récit, comme s’ils l’avaient acheté tout fait à leur
passeur.
Ah !... Je vous sent choqué : votre sensibilité serait
quand même froissée et vous seriez prêt à donner de l’argent pour qu’on les accueille
dignement ? – Alors il ne vous reste plus qu’à écouter Kant qui affirmait
que ce n’est pas au particulier, mais à l’Etat qu’il revient de secourir les
nécessiteux. Un des amis du philosophe raconte même que, lorsqu’il était en
promenade, il chassait à grands coups de canne les mendiants qui s’approchaient
de trop près. Venant du philosophe du respect de l’être humain, cet argument
est sans appel.
No comments:
Post a Comment