Mon père comprit qu'un intendant placé entre le roi et le
peuple doit se regarder comme l'homme de l'un et de l'autre, tellement destiné
à être l'organe des volontés du maître qu'il le soit peut-être encore plus des
vœux et des prières des sujets.
Henri-François
D'Aguesseau (✝1751
à 83 ans) dans Vie de son père
(Henri d’Aguesseau, père d’Henri-François fut intendant du
Limousin à l’époque de Louis XIV. Son
fils Henri-François fut un garde des sceaux et juriste éminent durant la
Régence.)
A l’heure où les nouveaux élus du peuple s’interrogent sur
l’équilibre à respecter entre leurs devoirs de loyauté pour le parti pour
lequel ils furent élus d’une part, et envers les revendications de leurs
électeurs d’autre part, il est sans doute intéressant de chercher comment cette
double contrainte fut théorisée sous l’ancien régime. On voit bien que
s’agissant d’un royaume au pouvoir monarchique absolu, il est hors de question
que le préfet se considère comme porteur de la volonté populaire ;
toutefois il peut quand même s’estimer en
charge de faire remonter auprès de régime l’état de la province et les besoins
du peuple. Placés entre vœux populaires
et volonté monarchique, tout le problème de ce magistrat tient en ce que les
deux ne viennent pas de la même source : les vœux venant des sujets, et la
volonté venant du roi.
D’Aguesseau pris dans l’idéologie de l’époque, résume assez
bien l’issue de cette contrainte : le roi
comme un Dieu bienveillant réalise les prières de son peuple, mais il doit
pour cela en être informé – et c’est là que l’Intendant entre en scène (1).
Et nous ? Supposons un instant que le Président de la 5ème
république possède cette toute-puissance, comment serait-il informé des
contenus de ces prières adressées au pouvoir par les citoyens ? Faut-il
compter sur les élections ? Mais même là, entend-on les revendications
populaires autrement que par les discours de tous ces ambitieux qui briguent le
pouvoir en se réclamant de la volonté populaire ?
Non, bien sûr : aujourd’hui plus besoin de Préfet ni de
discours mensongers. Nous avons les sondages d’opinion, et ça nous suffit.
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(1) Le fameux « droit
de remontrance » que possédait le Parlement lui permettant de contester
certains édits royaux (voir ici) signifiait à peu-près ceci : le roi n’avait
pas été bien informé des besoins du peuple et le parlement avait donc le droit
de « montrer une nouvelle fois » - donc de re-montrer ce qu’il en
était.
1 comment:
Et c'est là toute l'aliénation arriériste des populasses dites modernes, libres, avancées, évoluées, démocratisées, informées dans la transparence et dotées de la toute puissance du vote et de la liberté d'expression !!!
En attendant, moi, je suis à la diète aujourd'hui :-)
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