Friday, July 28, 2017

Citation du 29 juillet 2017

Mon père comprit qu'un intendant placé entre le roi et le peuple doit se regarder comme l'homme de l'un et de l'autre, tellement destiné à être l'organe des volontés du maître qu'il le soit peut-être encore plus des vœux et des prières des sujets.
Henri-François D'Aguesseau (1751 à 83 ans) dans Vie de son père
(Henri d’Aguesseau, père d’Henri-François fut intendant du Limousin  à l’époque de Louis XIV. Son fils Henri-François fut un garde des sceaux et juriste éminent durant la Régence.)

A l’heure où les nouveaux élus du peuple s’interrogent sur l’équilibre à respecter entre leurs devoirs de loyauté pour le parti pour lequel ils furent élus d’une part, et envers les revendications de leurs électeurs d’autre part, il est sans doute intéressant de chercher comment cette double contrainte fut théorisée sous l’ancien régime. On voit bien que s’agissant d’un royaume au pouvoir monarchique absolu, il est hors de question que le préfet se considère comme porteur de la volonté populaire ; toutefois il peut quand même s’estimer  en charge de faire remonter auprès de régime l’état de la province et les besoins du peuple.  Placés entre vœux populaires et volonté monarchique, tout le problème de ce magistrat tient en ce que les deux ne viennent pas de la même source : les vœux venant des sujets, et la volonté venant du roi.
D’Aguesseau pris dans l’idéologie de l’époque, résume assez bien l’issue de cette contrainte : le roi  comme un Dieu bienveillant réalise les prières de son peuple, mais il doit pour cela en être informé – et c’est là que l’Intendant entre en scène (1).

Et nous ? Supposons un instant que le Président de la 5ème république possède cette toute-puissance, comment serait-il informé des contenus de ces prières adressées au pouvoir par les citoyens ? Faut-il compter sur les élections ? Mais même là, entend-on les revendications populaires autrement que par les discours de tous ces ambitieux qui briguent le pouvoir en se réclamant de la volonté populaire ? 
Non, bien sûr : aujourd’hui plus besoin de Préfet ni de discours mensongers. Nous avons les sondages d’opinion, et ça nous suffit.
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(1) Le fameux « droit de remontrance » que possédait le Parlement lui permettant de contester certains édits royaux (voir ici) signifiait à peu-près ceci : le roi n’avait pas été bien informé des besoins du peuple et le parlement avait donc le droit de « montrer une nouvelle fois » - donc de re-montrer ce qu’il en était.

1 comment:

Yasmine Djelfaoui la cheminante said...

Et c'est là toute l'aliénation arriériste des populasses dites modernes, libres, avancées, évoluées, démocratisées, informées dans la transparence et dotées de la toute puissance du vote et de la liberté d'expression !!!

En attendant, moi, je suis à la diète aujourd'hui :-)