Saturday, July 15, 2017

Citation du 16 juillet 2017

La vision statique n'existe pas; nul ne peut voir sans explorer.
Arthur Koestler – Le cri d'Archimède

Nul ne peut voir sans explorer. Et si pour connaître il était inutile de voir ? Si, même, l’exploration devait se faire les yeux fermés, évitant ainsi les pièges de l’évidence trompeuse des choses ?
On dira qu’Archimède (dont Koestler évoque le cri) a eu besoin de cette baignoire dans la quelle son corps s’est mis à flotter – comme Newton du pommier de son jardin – pour avoir la « vision » de ces équilibres qui doivent se manifester pour être connus. Mais les physiciens ont assez vite déchanté : cet « empirisme naïf », comme le nommait Bachelard, a fait des ravages quant il a fallu comprendre le monde microscopique où la matière se résout en forces et en énergie. Le moment où les corpuscules ont cessé d’être des « petits corps » et sont devenus un champ de force, un paquet d’ondes,  pouvant se comporter aussi en point localisé dans l’espace : à ce moment-là on a cessé d’être éclairé par l’exploration tâtonnante du monde qui ne fait découvrir que des plaines, des rochers et des cailloux. « Altesse, disait Leibniz à une princesse ( ?), si la lumière était faite de corpuscules, vous auriez les yeux crevés ! »
On objectera que cette exploration reste indispensable, mais qu’elle nécessite simplement des appareils qui suppléent nos yeux. Le Collisionneur du CERN fait 27 kilomètres de long mais il ne fait que remplacer nos yeux, devenus inopérants pour percevoir ces corpuscules infimes.
L’idée serait que Koestler a vu juste, mais qu’il a attribué à la vision humaine des capacités qu’elle n’a pas toujours : même si ce n’est pas avec les yeux, l’exploration de la nature reste indispensable à sa découverte.
- Oui, sauf que…
Sauf que notre cerveau est devenu lui-même incapable d’effectuer cette exploration tranquille une fois possédé cette perception artificielle du monde : déboussolé au sens propre, il chavire devant tant de contre-évidences qu’il lui faut admettre. Les chercheurs le disent : quand, dans nos calculs nous arrivons à des résultats que nous ne comprenons plus, alors nous savons que nous avons fait une découverte. Notre intuition de la réalité, qui nous a servi malgré tout à nous débrouiller avec Newton (une fois admis il est vrai le mystère de la force d’attraction), devient inopérante avec Einstein et sa relativité – quant à Planck et sa théorie des quantas, n’en parlons pas.
Seuls les mathématiques nous permettent d’explorer le monde, et quant ils nous ont donné un résultat, alors comme l’enfant qui a un jouet merveilleux qui lui parle quand il le secoue, il ne nous reste plus qu’à réaliser les machines qu’ils rendent possible et à contempler le résultat.

La nature a préservé son mystère : ne nous plaignons pas !

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