La santé contient la maladie, au deux sens du mot contenir.
Docteur Henri Ey (cité par Canguilhem, La connaissance de la vie, p.168)
Quelle différence entre la santé et la maladie, entre le normal et le pathologique ?
Georges Canguilhem s’est efforcé de montrer que l’erreur était d’effacer la frontière entre les deux, mais qu’on ne gagne rien non plus à les voir comme deux états opposés.
1 - On supprime la frontière entre les deux, dans le domaine psychiatrique, lorsqu’on prétend qu’entre le psychiatre et le fou il n’y a rien d’autre que l’épaisseur du mur capitonné de l’asile : l’un est dehors, l’autre est dedans. Si l’un est fou, l’autre l’est aussi. Pire : c’est le psychiatre qui est fou, parce qu’il n’y a pas pire fou que celui qui croit en la folie. Comme il n’y a pas de normes, le délire est un discours comme un autre, juste un peu plus poétique.
Mais en réalité, dit Canguilhem, en faisant de la relativité des normes une règle, on évite de se poser la question de la santé.
2 - On relie aussi le normal au pathologique en faisant de celui-ci ce qui « prolonge en le grossissant l’état normal ». C’est un point de vue très répandu au XIXème siècle, que Freud invoque encore pour justifier l’utilisation des états pathologiques pour la connaissance des états normaux (1).
3 - Contre cela, voici la définition de Canguilhem : « La santé c’est le luxe de pouvoir tomber malade et de s’en relever. Toute maladie est au contraire la réduction du pouvoir d’en surmonter d’autres. » C’est vrai dans le domaine physiologique. Ça l’est également dans le domaine social : le psychiatre est « normal » parce qu’il a un champ de possibilité plus étendu que son malade.
4 - Canguilhem défend le point de vue synthétisé par Henri Ey dans notre citation : alors que la santé résulte de l’équilibre qu’ont les différentes fonctions de l’organisme entre elles et avec le milieu où il vit, la maladie résulte de la rupture de cet équilibre. Mais que le milieu change, et ce qui aurait été maladie avant, devient santé après : nouvel équilibre.
La norme est un état qui sélectionne l’un de ces équilibre et rejette les autres comme pathologiques. La maladie est alors définie comme un état régressif compte tenu des besoins et des capacités d’un organisme placé dans un milieu donné.
(1) Freud disait : « Là où, dans l’état normal il y a une fêlure, dans l’état pathologique il y a une brisure »
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