Thursday, September 27, 2007

Citation du 28 septembre 2007

- Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour l’éprouver : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?
- Jésus lui dit : Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ?
- Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même.
- Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras.
- Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?

Evangile de Luc, 10, 25-28

Le docteur ose poser la question que personne n’ose poser : qui est mon prochain ?

Personne n’ose la poser, parce qu’elle est trop simple : ne pas paraître ignorant en ignorant quelque chose de si évident. Mais la réponse de Jésus montre que ce n’est pas si évident, puisqu’il utilise une parabole pour répondre : la parabole du Bon Samaritain (1).

Pourquoi faire appel au Samaritain ?

Par rapport aux juifs, le Samaritain est un étranger. Aujourd’hui, nous devrions réécrire cette parabole avec le Bon Turc, ou le Bon Chinois (mettez qui vous voudrez, je ne veux vexer personne) : ce qui compte c’est que, pour cet étranger, nous sommes tous des étrangers. Le Bon Samaritain secoure quelqu’un qu’il ne connaît pas, qui n’est pas de son monde, voire même, quelqu’un qui appartient à une société qui lui est hostile.

Et c’est avec celui-là qu’il faut être miséricordieux, parce que c’est celui-là qui est mon prochain.

Alors, ça veut dire que le prochain, c’est celui qui est éloigné et non pas proche - on comprend qu’il faille une parabole pour nous expliquer cela.

Répondons maintenant au Docteur de la Loi : le prochain, c’est mon voisin, certes, mais aussi le voisin de mon voisin. L’essence du prochain, c’est dans l’éloignement qu’elle se manifeste le plus évidemment : quand je dis que je préfère ma femme à ma belle-mère, ma belle fille à ma voisine, et ma voisine à l’étranger, j’admets que tous ces gens font partie de ce que j’appelle le « prochain ». Mais je surcharge alors le prochain d’une couche d’affectivité particulière : c’est cela qui doit être mis à l’écart pour que la véritable miséricorde puisse se manifester.

Au S.D.F. d’aujourd’hui :

- Désolé mon vieux, mais je ne te connais pas : qui tu es toi ?

- Parce que tu ne me connais pas, tu dois me reconnaître : je suis ton prochain.

- Mon prochain ? Tu n’entres pas dans mes quotas. Dehors !

----------------------------------

(1) Voici La parabole du Bon Samaritain (qui n’est autre que la suite de notre citation) :
Jésus reprit la parole, et dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi mort.
Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre.
Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre.
Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit.
Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui.
Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit : Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour.
Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ?
C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même. (Luc, 10 30-37)

4 comments:

Anonymous said...

Je ne sais plus qui a inventé le concept dit "de proximité" (dont on trouve déjà l'idée chez Aristote).

Jean-Pierre Hamel said...

Je ne sais plus qui a inventé le concept dit "de proximité" (dont on trouve déjà l'idée chez Aristote).

A vrai dire je n’avais pas du tout pensé à explorer ce filon.
Le concept de proximité est une catégorie sociologique, exploité plus particulièrement dans en sociologie politique, et j’ai trouvé la trace (1) d’une modélisation mathématique mettant en jeu la topologie (continuité - compacité - connexité - homogénéité). Le problème, c’est qu’on ne peut considérer ces caractéristiques comme liée à un territoire. Un « lieu » (« topos ») est-ce que ça veut dire un ensemble de caractéristiques liées entre elles par un rapport donné, ou bien est-ce que c’est une essence (ce que je suggérais dans mon Post) ?
Et chez Aristote : c’est où ?
(1) http://estaque.vcharite.univ-mrs.fr/proxim/viewpaper.php?id=85&print=1

Anonymous said...

Chez Aristote, c'est dans Ethique à Nicomaque, VIII, 11 :
"L'injustice acquiert un surcroît de gravité quand elle s'adresse davantage à des amis : par exemple, il est plus choquant de dépouiller de son argent un camarade qu'un concitoyen, plus choquant de refuser son assistance à un frère qu'à un étranger, plus choquant enfin de frapper son père qu'une autre personne quelconque. La nature veut, en effet, que l'obligation d'être juste croisse avec l'amitié, puisque justice et amitié ont des caractères communs et une égale extension".

Jean-Pierre Hamel said...

La miséricorde n'est donc pas naturelle.
Ce texte d'Aristote est exemplaire.
A verser au dossier.