Il n'y a de bons professeurs que ceux en qui subsiste la révolte de l'élève.
Edmond Gilliard - L'Ecole contre la vie
Le prof parle, il pense qu’il a quelque chose à apprendre à ses élèves. Eux, ils sont là, devant lui, à attendre…à attendre quoi donc ? Au fait, qu’est-ce qu’ils font, les élèves ?
En réalité ça dépend : vous avez ceux qui sont là pour travailler (1), et rien que ça. Si vous pouviez dicter votre cours ils seraient les plus heureux du monde, même si vous dictiez des pages de l’annuaire téléphonique. Et puis vous avez celui qui, goguenard, vous attend au virage : il va faire juste ce que vous allez lui commander : ni moins, ni - surtout - plus. Ça, c’est pour la semaine de la rentrée, parce qu’après, si vous n’avez pas su le mettre au travail, alors là vous allez souffrir.
Face à ce genre d’élève, il vous faut être un « bon professeur », c’est à dire leur faire comprendre qu’il faut qu’ils se révoltent ; ou plutôt, il faut leur donner envie de se révolter, c’est à dire : envie de comprendre. C’est là que la phrase de Gilliard prend son sens : le bon prof, c’est celui qui perçoit l’indifférence de ses élèves comme l’ennui de celui qui est résigné à ne plus utiliser son intelligence, c’est à dire à ingurgiter des tonnes d’informations en se disant que ça lui servira le jour … de l’interro surprise. Mais pour le reste, pour le monde extérieur, alors là, c’est une autre chanson : là, on s’excite et on balance des vannes pour charmer les copains. L’école, c’était autre fois le monde des blouses grises et des tableaux noirs. La couleur à tout envahi, mais elle n’a rien changé.
Oui, il faut casser tout ça ; mais aucun système ne pourra échapper à l’ennui, s’il ne se donne pas pour tâche exprès de stimuler l’intelligence : et c’est là que la révolte est utile. L’intelligence est refus d’admettre sans examen ce qu’on veut nous apprendre.
C’est d’ailleurs la méthode que Descartes préconise :
«[Mon] premier [précepte est] de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être » (2).
Voilà, c’est ça que les élèves devraient dire à leur prof : vous avez intérêt à vous justifier, mon gaillard, sinon, ça être le souk dans la classe.
(1) En général, ce sont plutôt les filles qui font ça : je ne dis pas qu’elles le font toutes, bien entendu. Mais je dis que, quand un élève travaille comme ça, c’est le plus souvent une fille.
(2) « Le premier [précepte] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute. » Discours de la méthode (2ème partie)
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