Je désirerais, dit le vieillard … avoir un désir. Ce n’est pas un vieillard, ce vieil homme, c’est la Vieillesse.
E. et J. de Goncourt - Journal - 9 avril 1859 (p. 443)
Ce vieil homme, c’est la Vieillesse : les Goncourt n’ont pas dit « … c’est l’homme, qu’il soit jeune ou vieux. » : ils sont donc moins misanthropes qu’on l’aurait cru. Et pourtant nous savons bien que ce « désir du désir » hante aussi le cœur de plus jeunes.
Il faudrait déjà ne pas commettre l’erreur de croire que cette absence de désir débouche sur l’indifférence supérieure du sage, que ce soit l’apatheia des stoïciens ou l’ataraxie des épicuriens. Ceux-là sont des hommes qui ne désirent rien parce qu’ils ont tout - du moins tout ce qui est désirable - et qu’ils sont devenus inaccessibles à ce trouble que constitue le désir.
Le vieil homme des Goncourt, lui, il serait plutôt dans le registre de la nostalgie, c’est à dire que le souvenir des délices du désir entraîne le désir de le voir réactivé, désir à vide, désir d’un état perdu. Chacun comprend la différence entre désirer posséder une femme aimée et désirer être amoureux une fois de plus.
Etrange désir que celui-là : pourquoi en effet ne pas se considérer comme le sage antique, et se dire qu’on est bien heureux de ne plus avoir ce genre de besoin ?
Pour ma part je considèrerai que c’est là une caractéristique de l’existence humaine : à moins d’avoir atteint la sagesse du Bouddha, nous oscillons entre le plus et le moins de vie, entre l’intensité et le relâchement de l’élan vital (1).
La nostalgie de la Vieillesse serait alors liée à la retombée de la vie dans la végétativité physiologique, les fonctions les plus quotidiennes du corps étant le seul défi qu’il y aurait encore à relever.
Entre les latrines et la Blédine….
(1) Elan vital pris au sens littéral et non au sens bergsonien.
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