Sunday, December 09, 2007

Citation du 10 décembre 2007

L’histoire n’est que le roman du hasard.

E. et J. de Goncourt - Journal (16 août 1857 T.1 p.293)

Epreuve de Philosophie (Durée 4 heures. Coeff. 7)
Traitez le sujet suivant :

Peut-on dire de l’histoire qu’elle n’est que le roman du hasard ? (1)

......

- Torture mentale ! Prise de chetron ! Avec ça j’ai foiré mon bac blanc !

- Calme-toi, Kévin. Ce n’est qu’un bac blanc après tout. Ecoute-moi, tu vas comprendre.

Déjà, tu te rappelle ce que Pascal disait de l’histoire, que c’était le résultat du hasard des désirs individuels : tu sais le nez de Cléopâtre ? Mon passionnant post du 6 juillet 2006 ?

-

- Et ça, tu connais ? « … nul évènement général ou particulier historique n’annonce nécessairement ce qu’il causera (...) ; d’où résulte la nécessité d’un maître qui conduise de fait en fait par un récit lié dont la lecture apprenne ce qui sans elle serait toujours nécessairement et absolument ignoré. C’est ce récit qui s’appelle histoire. »
Ça, c’est Saint-Simon (Mémoires - Avant propos).

- Qu’est-ce que tu veux ? Que j’accouple Cléopâtre et Saint-Simon ? Si je fais ça je vais me faire allumer par ma prof, ça, c’est garanti.

- Mais non, Kévin. Ecoute un peu : l’histoire, c’est quelque chose d’ordonné, qui a du sens et qui pourtant est fait d’une succession d’évènements indépendants les uns des autres. Il faut donc qu’il y ait quelqu’un qui réunisse tout ça pour le raconter de façon cohérente, parce que la cohérence, vois-tu, elle n’est pas dans la réalité. L’histoire est donc bien un récit - c’est à dire un roman - qui rend intelligible ce fatras d’évènements.

- Bon, là, je vois. Mais je vais pas faire une dissert avec ça. Tu sais bien que si je dis pas aussi « Non, l’histoire n’est pas un roman, blabla… » je me bloque un 6 sur 20.

- C’est que vois-tu Kévin, si tu veux argumenter, il te faut aussi réfuter le point de vue opposé au tien.

Je sens que tu es pressé d’aller rejoindre ta copine, alors je fais vite.
Si le hasard était la seule cause des évènements historiques, on ne pourrait rien prévoir. De ce fait les hommes politiques pourraient tirer à pile ou face ce qu’ils décideraient, et les électeurs choisir pour Président celui qui a le plus beau sourire, puisque de toute façon, ça ne changerait rien.

En réalité, le passé détermine les limites en dehors des quelles on ne peut rien faire. Par exemple, restaurer l’Ancien Régime en France. Ça, même le hasard ne pourrait pas le faire. De même il y a une continuité passé/présent qui assure que, si on ne change rien, alors ça a des chances de continuer comme par le passé. Et donc qu’au lieu de compter sur la chance, il est important de tirer les leçons du passé.

- Bon, bon. Alors si je bosse mieux que l’an dernier, je peux être sûr d’être reçu au bac ?

- Tu as tout compris, Kévin.


(1) Notez la subtile transformation de la phrase des Goncourt, l’usage excluant que les sujets de philo au bac comportent une citation.

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