Wednesday, December 05, 2007

Citation du 6 décembre 2007

Définition - Le repentir est une tristesse de l’âme ; le remords est une torture et une angoisse. Le repentir est déjà presque une vertu ; le remords est un châtiment.

P. Janet - Cité dans : Lalande - Dictionnaire technique et critique de la philosophie.

< Je reviens sur la repentance, déjà examinée le 31 juillet 2007 en raison de la confusion qui règne dans ce débat >

- Question du jour : la France doit-elle faire repentance des crimes qu’elle a commis durant 130 ans de colonisation en Algérie ?

- Téléphonez, votre avis nous intéresse, nous vous prendrons à l’antenne à partir de 12h 30.

- Stop ! Qu’est-ce qu’ils font les conseillers du Président (1)? Ils pourraient bien nous expliquer ce que c’est que la repentance, et nous dire pourquoi il ne faut pas en faire acte vis-à-vis de l’Algérie.

Le repentir est un sentiment qui peut avoir une valeur morale. Religieusement, il est requis pour que la confession soit efficace. Bien.

Mais ce qui nous intéresse ici c’est : qui devrait se repentir, pourquoi et avec quelles conséquences ?

<Pour ne pas dépasser la limite des 2 minutes 30 secondes que vous avec à m’accorder, je m’en tiendrai aujourd’hui à la 1ère question. La suite demain.>

- Qui doit se repentir ? Si le repentir est un fait moral, il requiert un sujet unique, celui-là même qui a commis l’action dont on se repent. Quand Notre Président dit à Bouteflika (comme l’agneau de la fable) : « Je n’était pas né lors des faits », c’est ça qu’il vise. Comment se repentir de ce qu’on n’a pas commis ? Et vous qui me lisez, sincèrement, vous ressentez du repentir à propos des crimes de la guerre d’Algérie ?

On voit donc l’enjeu : si c’est le Président qui doit exprimer le repentir, c’est au nom du peuple français qu’il doit parler et non en son nom propre. C’est la France qui est coupable, qui reconnaît sa culpabilité et qui la regrette.

Mais du même coup, on comprend aussi l’insistance de la France à coller ça dans les bras des historiens : si l’histoire intervient, elle va parler d’époque, de période de l’histoire, de système colonial européen, que sais-je moi ? Bref : elle va casser cette belle continuité.

Entre les colons qui faisaient « suer le burnous » et nous, il y a toute l’épaisseur de l’histoire du 19ème et du 20ème siècle.

Restent les tortionnaires de la guerre : il y en a quelques uns qui pourraient sortir de leur silence et se repentir devant leurs victimes. Mais pour ça, ils faudrait peut-être aussi qu’ils comprennent eux-mêmes leurs gestes.

(1) Je pense bien sûr à Henri Gaino, lui qui a concocté le Discours de Dakar, pompé sans vergogne dans La raison dans l’histoire de Hegel. Après avoir rôdé du côté de Nietzsche (voir là encore le 31 juillet) qu’il aille faire un tour du côté de Spinoza..

2 comments:

Anonymous said...

Il est désolant aussi que nos responsables politiques ne soient pas capables de faire la différence (ou du moins ne soient pas capables de l'énoncer clairement) entre la responsabilité morale et la responsabilité politique.
C'est ce qu'analyse notamment Arendt, en montrant que les petits-fils des tortionnaires nazis n'ont évidemment pas de responsabilité morale pour des crimes qu'ils n'ont pas commis (il n'y a donc pas de sens à se sentir coupable personnellement). En revanche, en tant que citoyens allemands, ils doivent reconnaître une responsabilité politique de l'Etat allemand.
Reconnaître les crimes commis au nom de l'Etat français lors de la colonisation, voilà ce qu'on est en droit d'attendre du Président de la République, et ce n'est pas uniquement pour les Algériens, mais aussi bien pour les jeunes appelés français qui ont subi l'horreur d'un conflit qu'ils n'avaient pas voulus, ou encore les pieds-noirs, qui ont dû suivre la route de l'exil (et que dire des Harkis ?).
Malheureusement, je crains que c'est ne soit pas lors ce quinquennat qu'on entendra de telles paroles.

Jean-Pierre Hamel said...

faire la différence (ou du moins ne soient pas capables de l'énoncer clairement) entre la responsabilité morale et la responsabilité politique.

- C’est que ce n’est pas facile, comme j’ai essayé de la montrer, parce que la responsabilité politique suppose l’existence d’un peuple et le « sentiment » de faire partie de ce peuple. Donc effectivement, la citoyenneté au sens fort.
Mais, au fond, c’est précisément ce qui fait le plus défaut ; quand on voit ce que signifie couramment la « citoyenneté » aujourd’hui, on se dit qu’on n’est pas près de faire comprendre ce qu’est la responsabilité politique.