Ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son vol. (1)
Hegel, Georg Wilhelm Friedrich (Principes de la philosophie du droit).
Et voilà… Encore une de passée… Qu’est-ce qui nous attend en 2008 ? A qui le demander ? Et même, tiens : savons-nous seulement ce qui s’est passé en 2007 ? Que tirons-nous des innombrables rétrospectives dont nous abreuvent nous journaux, télé, radios ? Vite : demandons au philosophe !
Alors voilà, le philosophe n’est pas madame Irma. Il n’est pas non plus conjoncturiste, ni historien.
Et, même Hegel, ne voit la chouette de Minerve (= la philosophie) que comme l’oiseau qui vient après coup (voyez son texte, note 1) : il y insiste sur l’incapacité de la philosophie à prédire le cours à venir de l’histoire du monde. Il faut que celle-ci soit accomplie pour que l’heure de la philosophie puisse sonner.
Oui, mais alors, qu’est-ce que la philosophie peut bien trouver à dire, qui ne soit pas simplement de la description, du reportage de journaliste ?
Selon Hegel, il y a des époques dans l’histoire, des périodes qui accomplissent quelque chose qui constitue un tout. On penserait alors en terme de siècle : le « siècle de Périclès », le « siècle de Louis XIV », etc.. Ce qui importe dès lors c’est de comprendre ce qui caractérise ce siècle, ce qui s’y révèle, par delà les évènements brefs et changeants. Tels est le rôle de la philosophie, par opposition à celui de l’historien qui est de relater simplement les faits (2). Bien entendu pour en arriver là, il faut attendre que la période ait fini de produire ses fruits, qu’elle ne rayonne plus, qu’on en soit à son crépuscule.
Sommes-nous en demande des mêmes choses aujourd’hui ? Oui, sans doute, car notre demande n’est pas seulement celle d’une prévision, mais aussi celle d’une signification. Seulement la découverte de signification n’est plus l’apanage du philosophe : au delà de l’historien (cf. note 2) ; vous avez les économistes, les médecins, les biologistes… Et voilà maintenant même les climatologues qui s’y collent.
Et chacun avec sa leçon de morale…
(1) Voici le texte en question :
Pour dire encore un mot sur la prétention d’enseigner comment doit être le monde, nous remarquons qu’en tout cas, la philosophie vient toujours trop tard. En tant que pensée du monde, elle apparaît seulement lorsque la réalité a accompli et terminé son processus de formation. Ce que le concept enseigne, l’histoire le montre avec la même nécessité : c’est dans la maturité des êtres que l’idéal apparaît en face du réel et après avoir saisi le même monde dans sa substance, le reconstruit dans la forme d’un empire d’idées. Lorsque la philosophie peint sa grisaille dans la grisaille, une manifestation de la vie achève de vieillir. On ne peut pas la rajeunir avec du gris sur du gris, mais seulement la connaître. Ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son vol. - Hegel, Georg Wilhelm Friedrich (Principes de la philosophie du droit).
Pour en lire un peu plus : voyez ici
(2) On notera le changement de perception du rôle de l’historien tel qu’il nous apparaît aujourd’hui.
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