"Qui a dit : "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères"?".
Jean Giono Un roi sans divertissement
Qu'on laisse un roi tout seul sans compagnie, penser à lui tout à loisir ; et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères.
Blaise Pascal - Pensées Fragment 142 Brunschvicg
Le héros de Giono est pascalien jusque dans son mystère (pour s’en convaincre, qu’on jette un coup d’œil sur l’article de Wikipedia, exceptionnellement développé) : il organise des actes de violence montés comme des spectacles - qui ne lui épargnent pourtant pas l’autodestruction finale. Pourquoi ? Pour se « divertir » ?
A propos du divertissement, Pascal emploie un raisonnement par l’exemple : pour démontrer qu’un principe est universel, il suffit de montrer qu’il s’applique jusque dans le cas le plus défavorable. Si même un roi est un homme plein de misères lorsqu’il est sans divertissement, alors a fortiori il en va de même pour tous les autres hommes.
Petit rappel : le divertissement c’est l’effort que l’on fait pour éviter de penser à [soi] tout à loisir, donc pour échapper au face à face avec nous-mêmes, pour éviter de contempler notre effroyable corruption. L’homme n’est rien sans Dieu.
Bon, alors que faut-il pour qu’un roi ait des divertissements ? Pascal nous dit : « un roi tout seul sans compagnie » est sans divertissement ; il lui faut donc une cour et des courtisans - des courtisanes - et des comédies et des ballets et la chasse…
Et pourquoi pas le travail ? Oui, le travail est aussi un divertissement - du moins il peut l’être. Qu’on lise Flaubert. En voilà un qui clame qu’il s’embête. L’embêtement est le mal de sa vie. Et il travaille, il travaille jusqu’à 12 heures par jour sur ses manuscrits ; et il propose à ses correspondant d’en faire autant pour échapper à l’ennui.
Qu’on ne cherche pas là une allusion à l’hyperactivité de certains. Je propose simplement qu’on réévalue le travail - comme activité - en le comparant à la vie contemplative : les moines ne travaillaient pas nécessairement, du moins ce n’est pas comme cela qu’on définirait leur méditation de la Bible. Au cas ou on ne serait pas d’accord, voyez les moines Zen : leur méditation est immobile, sans production matérielle, sans communication. Sans doute parce qu’ils acceptent le face à face avec Dieu, quand bien même ce serait au prix de l’humiliation de leur orgueil.
Et vous, pourquoi travaillez-vous ? Pour avoir des sous, ou pour échapper à l’ennui ?
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