Le temps marche pour nous (1) sans sonner, et les heures suivent les heures, disant toujours Aujourd’hui et ne disant jamais Demain, comme une horloge au petit marteau entouré de coton.
Edmond et Jules de Goncourt - Journal (20 juillet 1857 (Ed. Laffont-Bouquin, t.1, p.286)
Dans notre série : « Les poètes » disent mieux et plus lumineusement ce que le philosophes rendent obscur à force de vouloir être clair, voici - toujours à propos du temps - les frères Goncourt.
C’est vrai qu’on croit inutile la lecture du Journal des Goncourt : il a la réputation d’être plein de vachardises sur des gens dont la postérité n’a même pas retenu le nom. Mais ouvrez-le : vous y trouverez une méditation - désabusée il est vrai - mais d’une lucidité impitoyable sur la société humaine.
Ce qu’il y a de neuf - par rapport aux analyses du temps immobile déjà évoquées ici même avec Alice - c’est la douceur, l’absence de sensations qui accompagne ce temps qui n’avance pas. Au fond, on devrait être désespéré de ce silence, de ces heures qui se répètent à l’identique. Mais non.
Alors que la génération des Punks clamait « no future » comme une provocation, un appel désespéré et splendide à plonger dans le chaos, le temps qui ne dit jamais Demain est doux et ouaté. C’est le temps figé des petits vieux qui vivent sans révolte ce présent qui ne s’anime que de souvenirs : de l’horloge des Goncourt, avec son petit marteau entouré de coton, à celle de Jacques Brel, il n’y a qu’un pas (2).
Bon. Qu’est-ce que vous faites à rester là ? Fermez l’ordi, ouvrez les Goncourt.
(1) On parle ici de la vie provinciale. On devine qu’elle n’est elle-même que l’emblème de la condition humaine.
(2) Etrangement, Brel fait, comme les Goncourt, un parallèle entre le temps figé (ici : des vieux) et la vie provinciale : Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps
Au fait, vous voulez la vidéo (désespoir garanti) ?
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