Friday, March 21, 2008

Citation du 22 mars 2008

Variations sur le thème de la jeune fille et la mort - Aujourd’hui : Ophélie

1 - Là, tandis qu’elle grimpait pour suspendre sa sauvage couronne aux rameaux inclinés, une branche envieuse s’est cassée, et tous ses trophées champêtres sont, comme elle, tombés dans le ruisseau en pleurs. Ses vêtements se sont étalés et l’ont soutenue un moment, nouvelle sirène, pendant qu’elle chantait des bribes de vieilles chansons, comme insensible à sa propre détresse, ou comme une créature naturellement formée pour cet élément. Mais cela n’a pu durer longtemps : ses vêtements, alourdis par ce qu’ils avaient bu, ont entraîné la pauvre malheureuse de son chant mélodieux à une mort fangeuse.

Shakespeare - Hamlet - Acte IV, scène 7 (1)

Une mort fangeuse… Mais qui est mort ? Ophélie, « séparée d’elle même » par la folie, était déjà à moitié morte. Mais ce qui restait encore en vie, sa jeunesse, sa beauté, son innocence, la meilleure partie de son être était encore en vie. C’est cela qui n’a pu survivre, c’est cela qui s’est noyé.

Une telle vie peut-elle s’éteindre tout à fait ?

2 - …et voici la célèbre image de cette mort d’Ophélie par J.E. Millais


Il y a de l’éternité dans la mort d’Ophélie ; le tableau la représente éternellement mourante : voyez ses mains, elles sont vivantes, elles s’écartent dans un geste d’accueil. Est-ce la mort qu’accueille Ophélie ?

3 - Voyez encore le poème de Rimbaud Ophélia :

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois lointains des hallalis. (2)

Rimbaud aligne la mort d’Ophélie sur la folie qui l’a saisie lorsque cherchant l’amour et la liberté, elle ne trouva que ce pauvre fou d’Hamlet pour répondre à son appel. La mort d’Ophélie, c’est la mort de l’élan de la jeunesse, brisé par l’âpreté d’un monde où tout n’est que bassesse et servitude, loi du plus fort et du plus corrompu.

L’Ophélie de Rimbaud hante notre bas monde depuis mille ans ; ce fantôme n’est pas comme le Hollandais volant condamné à errer sans fin sur l’eau. Il est là pour nous rappeler que l’innocence et la pureté sont condamnées à mourir.

à suivre

(1) Traduction de Victor Hugo disponible ici

(2) voir l’ensemble du poème ici

No comments: