Tuesday, September 21, 2010

Citation du 22 septembre 2010

Les femmes t’ont perdu / Je t’ai retrouvé

Miss.Tic – Pochoirs sur les murs d’Arles

Votre ville est moche, les rues sont sales et grises ? Appelez Miss.Tic : elle va vous transformer tout ça.

C’est du moins ce qu’elle a fait à Arles, où nous la retrouvons aujourd’hui avec ce pochoir puisé dans la série exposée sur son site. Mais en même temps elle nous révèle une dimension peu connue de l’art de rue.

Alors qu’on pensait que l’art de rue offrait au graffeur (outre l’exposition) principalement l’attrait d’un support toujours renouvelé (la granulosité du mur, le support lisse et fragmenté de la palissade etc.), voici que nous découvrons qu’un pochoir peut mettre en rapport des éléments dispersé dans l’environnement.

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas simplement de placer un pochoir au-dessus d’une porte histoire de montrer ce qui nous attend si nous entrons. Il s’agit ici d’un ensemble articulé de 3 éléments : de gauche à droite (sens de la lecture), on trouve :

- Un panneau signalant une impasse ;

- Le pochoir (Les femmes t’ont perdu / Je t’ai retrouvé) ;

- Un pictogramme signalant un risque de brûlure par de l’acide (voir agrandissement).

Voilà une véritable phrase faite de l’articulation de ces trois unités (1), du genre « je te tire de ton impasse, puisque, si Les femmes t’ont perdu / Je t’ai retrouvé ; mais attention car je suis toxique » (ce qui est tout à fait normal avec une Miss de la Miss). En plus on peut interpréter le sens autrement, y compris en jouant avec l’ordre sytagmatique des unités, comme monsieur Jourdain avec son billet à la Marquise (Belle Marquise, etc…)

On peut ajouter deux choses qui sont me semble-t-il singulièrement importantes :

- D’abord que ces unités signifiantes ne le sont que grâce à la médiation du pochoir. Autrement ce sont des éléments (panneau de signalisation, pictogramme de chantier) qui ont certes leur propre signifiance, mais qui ne sauraient en sortir par eux-mêmes.

- Ensuite que l’art de rue est là non pour décorer la rue, mais bien pour la réinterpréter.

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(1) C’est ce que Ferdinand de Saussure décrit dans le texte suivant comme ordre syntagmatique :

Dans le discours, les mots contractent entre eux, en vertu de leur enchaînement, des rapports fondés sur le caractère linéaire de la langue, qui exclut la possibilité de prononcer deux éléments à la fois. […]

Le rapport syntagmatique est in praesentia ; il repose sur deux ou plusieurs termes également présents dans une série effective. […]

Placé dans un syntagme, un terme n'acquiert sa valeur que parce qu'il est opposé à ce qui précède ou ce qui suit, ou à tous les deux. (Saussure – Cours de linguistique générale ch. 5)

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