Sunday, September 26, 2010

Citation du 27 septembre 2010

La cohésion sociale est due en grande partie à la nécessité pour une société de se défendre contre d'autres.

Henri Bergson

Nous connaissions déjà l’éloge de la guerre qu’on trouve chez Bergson (en 1911 il est vrai).

On peut maintenant y revenir, en centrant notre investigation sur la société.

La cohésion sociale est due en grande partie à la nécessité pour une société de se défendre contre d'autres. On pourrait dire bien des banalités à partir de là, du genre : lorsque le pouvoir est en péril il cimente la cohésion sociale autour de lui en inventant des ennemis de l’extérieur ou bien de l’intérieur (1), faisant que tous les bons citoyens soient solidaires avec lui pour affronter le terrible adversaire. Bof… L’essentiel n’est pas là. Il est que selon Bergson, il n’y a pas d’autre façon efficace d’assurer la cohésion dans la société.

Exit donc le contrat social, la citoyenneté responsable, la fraternité sous le drapeau républicain. Tout ça ce sont des balivernes sans consistance scientifiquement observable.

Mais exit aussi le Bien public, l’intérêt commun, le travail solidaire créant du profit pour tous afin que soit assuré le profit de chacun. Ou plutôt oui, ça peut exister ; mais ça n’est pas suffisant pour que l’on puisse parler de cohésion sociale. Celle-ci suppose des forces centripètes puissantes capables de dominer les forces centrifuges qui la travaillent.

On aura reconnu la thèse de Lévi-Strauss sur les sociétés chaudes opposées aux sociétés froides (Voir texte en annexe).

Il est clair que cette vision de la société a pour intérêt de déplacer son centre de gravité : il ne s’agit plus de survie, et pas plus d’engagement moral. Il s’agit plutôt de considérer la société comme une grosse machine à vapeur, qui doit pour fonctionner correctement être sous pression, mais qui doit aussi évacuer la surpression sous peine d’exploser.

Lévi-Strauss ne nous dit pas comment évacuer cette surpression. Peut-être justement en déchaînant les passions de la foule à l’encontre d’ennemis tels que des dissidents jugés responsables des maux subis. (2)

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(1) Que vous nommerez comme vous voudrez (Roms ; banquier et traders ; terroriste ; jeune avec la casquette à l’envers…) : ça n’est pas mon affaire.

(2) C’est la thèse que René Girard a formulée à propos de la victime expiatoire.

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Annexe

« Je dirais que les sociétés qu'étudie l'ethnologue, comparées à notre grande, à nos grandes sociétés modernes, sont un peu comme des sociétés « froides » par rapport à des sociétés « chaudes », comme des horloges par rapport à des machines à vapeur. Ce sont des sociétés qui produisent extrêmement peu de désordre, ce que les physiciens appellent « entropie », et qui ont une tendance à se maintenir indéfiniment dans leur état initial, ce qui explique d'ailleurs qu'elles nous apparaissent comme des sociétés sans histoire et sans progrès. Tandis que nos sociétés ne sont pas seulement des sociétés qui font un grand usage de la machine à vapeur ; au point de vue de leur structure, elles ressemblent à des machines à vapeur, elles utilisent pour leur fonctionnement une différence de potentiel, laquelle se trouve réalisée par différentes formes de hiérarchie sociale, que cela s'appelle l'esclavage, le servage, ou qu'il s'agisse d'une division en classes, cela n'a pas une importance fondamentale quand nous regardons les choses d'aussi loin et dans une perspective aussi largement panoramique. De telles sociétés sont parvenues à réaliser dans leur sein un déséquilibre, qu'elles utilisent pour produire, à la fois, beaucoup plus d'ordre - nous avons des sociétés à machinisme -et aussi beaucoup plus de désordre, beaucoup plus d'entropie, sur le plan même des relations entre les hommes. » Georges Charbonnier, Entretiens avec Claude Lévi-Strauss, 1959, p.38.

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