De quelque manière qu'on définisse et qu'on place la souveraineté, toujours elle est une, inviolable et absolue [...] Le souverain ne peut donc être jugé : s'il pouvait l'être, la puissance qui aurait ce droit serait souveraine, et il y aurait deux souverains, ce qui implique contradiction.
Joseph de Maistre – Du Pape et extraits d'autres œuvres, Textes présentés et choisis par Cioran
Deux idées :
- La première est que le pouvoir souverain ne se partage pas, et que, quoiqu’on fasse, il repose entre les mains d’un seul homme – ou alors qu’il cesse d’exister.
Voilà une idée bien connue, que nous avions déjà envisagée (ici) et qu’en France, les efforts incessants de Notre-Président pour étendre l’emprise du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif et sur le pouvoir judiciaire, ne font que corroborer.
- La seconde est que le souverain ne peut être jugé, sans quoi le Juge serait un autre souverain ce qui implique contradiction, puisque la souveraineté est par définition unique.
C’est à cela que nous devrions être un peu attentif. Dans nos démocraties, quelle instance peut prétendre juger le détenteur du pouvoir ? Certes, en France la Constitution prévoit des cas de haute trahison, qui mettent un terme à cette impunité. Mais ces cas ne se produisent jamais, et la mise en examen du Président dans une affaire pénale ne peut se faire durant son mandat, c'est-à-dire lorsqu’il est souverain – le cas du Président Chirac le rappelle.
On opposera à cela que Notre-Président gouverne l’œil rivé sur les sondages, autrement dit qu’il se soumet (plus ou moins il est vrai) à l’opinion populaire.
Mais alors, est-ce que ça ne voudrait pas dire qu’en réalité nous sommes dans une démocratie directe, que le véritable souverain est le peuple et que son opinion exprimée dans les sondages gouverne tout le reste (y compris dans les affaires judiciaires où l’on voit les juges se ranger finalement aux cotés de l’opinion publique) ?
Peut-être. Sauf qu’il y a une sérieuse restriction : le pouvoir souverain reste défini par la Constitution, et l’opinion publique n’a aucune légitimité en dehors des urnes.
Si l’opinion publique détient donc le pouvoir, c’est seulement par un acte délibéré de délégation du Président, le quel peut quand il le veut reprendre son pouvoir et négliger le cri du peuple (1).
Jusqu’aux prochaines élections.
-------------------------------------(1) On pense bien sûr aux manifestations contre la réforme des retraites.
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