Wednesday, September 22, 2010

Citation du 23 septembre 2010

Les cannibales n'ont pas de cimetière.

Marcel Mariën

Que faire des enfants indésirés ? Les noyer ? Bon – et après ? Les enterrer ? Les mettre au congélateur ? Les manger ?

Ecoutons notre citation du jour : la meilleure façon de se défaire d’un corps, c’est de le manger et c’est sans doute pour cette raison que Saturne est réputé pour avoir dévoré ses propres enfants (comme le montre ce tableau de Goya) afin de s’en débarrasser définitivement.

On peut aussi voir dans l’anthropophagie un moyen de s’alimenter. Ainsi, à l’époque où les congélateurs n’existaient pas les petites victimes du méchant boucher auxquelles saint Nicolas va rendre la vie (1) se trouvaient dans le saloir, là où on conserve le lard (tiens ? Encore le lard ?)

Lisons ce qu’écrit Pierre Clastres dans sa Chronique des indiens Guayaki. Les Guayaki – ou plutôt les Aché (c’est-à-dire les Personnes, comme ils se désignent eux mêmes) – pratiquent l’endocannibalisme : ils mangent leurs propres morts, entendez tous ceux qui viennent à mourir de vieillesse, d’accident, tués au combat ou même de maladie.

Clastres dans des pages magnifiques de clarté, de précision et de profondeur (2) explique qu’il s’agit pour les Aché d’empêcher que l’âme du mort à la recherche de son ancien corps vienne investir le corps des vivants et les rende malades.

Ainsi, manger un corps humain, c’est le fragmenter en morceaux éparpillés entre tous les estomacs de la tribu et donc décourager l’âme sans corps qui finalement va partir avec la fumée du grill sur le quel on apprête la dépouille avant de la manger.

On le voit, ici point de congélateur, point de saloir : mais il faut quand même métaboliser la chair humaine pour la faire disparaître.

Ne restons pas sur un impression fâcheuse de barbarie : les Aché sont aussi des gens très raffinés, qui aiment la bonne chair : manger de la chair humaine, disent-ils, c’est délicieux, et on ne peut trouver rien d’équivalent dans la viande animale – à l’exception de la chair de porc domestique.

Que le cochon soit un équivalent de l’homme on s’en doutait un peu…

----------------------------------

(1) Voir la Complainte des enfants du saloir ici.

(2) Chronique des Indiens Guayaki - chapitre VIII (Collection Terre humaine)

No comments: