Peau d'Ane donc prend sa farine / Qu'elle avait fait bluter exprès / Pour rendre sa pâte plus fine, / Son sel, son beurre et ses œufs frais; / Et pour bien faire sa galette, / S'enferme seule en sa chambrette. / D'abord elle se décrassa / Les mains, les bras et le visage, / Et prit un corset d'argent que vite elle laça / Pour dignement faire l'ouvrage / Qu'aussitôt elle commença. / On dit qu'en travaillant un peu trop à la hâte, / De son doigt par hasard il tomba dans la pâte / Un de ses anneaux de grand prix…
Charles Perrault – Peau d’âne (1694)
Ah… Janvier, l’Epiphanie, la Galette des Rois : que c’est bon la Tradition – surtout quand elle vient de notre enfance portée par le souvenir des comtes que nous lisait notre grand-mère…
Il est temps encore d’y revenir, de les relire – par exemple Perrault, tiens : on y trouvera d’ailleurs, comme le montre notre Citation, non seulement la recette de la Galette, mais encore le cérémonial à respecter avant de s’y mettre.
Qu’on ne s’y trompe pas : notre Citation ne vient pas du Petit Chaperon Rouge; il ne s’agit pas de la galette pour la mère-grand. Il s’agit de Peau d’Ane, qu’on a un peu vite réduite à n’être qu’une histoire scabreuse de père qui veut épouser sa fille.
Relisons l’histoire : le Beau Prince qui a maté Peau d’Ane par le trou de la serrure en est tombé raide dingue – Malheureusement on lui apprend que ce n’est qu’une souillon (« la bête la plus laide qu’on puisse voir après le loup »), et qu’il vaut mieux n’y plus penser.
Le Beau Prince dépérit alors d’amour et il exige pour s’alimenter qu’on demande à Peau d’Ane de lui faire une Galette.
Nous y voici : notre Citation révèle la vérité sur la Galette des Rois – il s’agit en fait de la Galette de la Princesse, et on doit y trouver non pas une fève, mais sa bague, un jonc d’or orné d’une émeraude, que notre Belle a négligemment perdue en pétrissant la pâte.
Quant à la suite, si jamais vous ne la connaissiez pas, vous la lirez ici,. Retenez simplement qu’une fois encore la beauté et la noblesse d’une femme se trouve sans sa finesse, que ce soit celle de ses doigt (comme ici), de son pied (comme avec Cendrillon), de sa peau (La princesse au petit pois).
J’ajouterai que Ray Charles, grand amateur de belles femmes, mais hélas aveugle, les jaugeait en prenant leur poignet : il ne retenait que celles qui avaient des attaches fines.
3 comments:
Je me permets d'ajouter la chanson et la recette du cake d'amour à votre article !
http://lesgrigrisdesophie.blogspot.com/2009/04/recette-du-cake-damour-de-peau-dane.html
sophie (des grigris)
J'ose ajouter la Princesse au Petit Pois (mon conte préféré !):
http://lesgrigrisdesophie.blogspot.com/2010/08/la-princesse-au-petit-pois.html
...et pour vous en avant-première, une nouvelle qui est pour moi une belle nouvelle :
dans quelques mois mon amie Marie-Christine Bourven réalisera un petit livre de gravures sur un texte de mon beau-frère (La PPP revue et corrigée )
La couverture de tissus colorés sera réalisée par Sophie la grigriteuse !
Merci pour tous ces liens, nous en ferons bon usage.
Pour ce qui est de la Princesse aux petits pois, je l’avais en effet retenue par ce qu’elle illustrait mon propos, mais aussi, je l’avoue parce que dans ma jeunesse l’adaptation qu’en avait fait Claire Bretécher me faisait tordre de rire : j’en ai retrouvé la trace ici
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