Wednesday, August 10, 2011

Citation du 10 aout 2011

La gourmandise est l'apanage exclusif de l'homme.

Brillat-Savarin – Physiologie du goût

Il n'y a que les imbéciles qui ne soient pas gourmands. On est gourmand comme on est artiste, comme on est instruit, comme on est poète. Le goût, mon cher, c'est un organe délicat, perfectible et respectable comme l'œil et l'oreille.

Maupassant – Le Rosier Mme Husson

Notre enquête sur les péchés capitaux s’est achevée hier, mais j’ai encore un doute qui me trouble : pourquoi la gourmandise serait-elle un péché ?

Les spécialistes du reste précisent que plus que la gourmandise, c’est la gloutonnerie qui est visée (1).

Comment juger donc la gourmandise, si ce n’est en termes de péché ? Devons-nous l’évaluer quelque part entre vice et vertu ?

Déjà, on peut noter que Brillat-Savarin la qualifie « d’apanage exclusif de l’homme» (2), ce qui est nettement positif : la gourmandise serait alors un privilège de l’humanité. Etre gourmand, c’est donc bénéficier d’un avantage qui nous est exclusivement accordé, à nous êtres humains.

Laissons de côté pour le moment la question de savoir si les animaux ne seraient pas eux aussi des gourmands, et concentrons notre réflexion sur la nature de l’avantage que représente la gourmandise.

De quoi bénéficions-nous, nous les gourmands ? De quoi manquent les hommes (si d’aventure il en existe) qui ne sont pas gourmands ?

Il n’est que de lire Maupassant (notre citation) pour se rendre compte que la gourmandise est solidaire de qualités spécifiquement humaines : de même que l’on peut se flatter d’être un artiste, ou un savant, ou un poète, on peut se flatter d’être un gourmand. Non pas que la gourmandise produise ces qualités : si elle n’est pas un péché capital, elle n’est pas non plus une vertu capitale (3). Simplement, la gourmandise résulte de l’exercice du goût (cf. le titre de l’ouvrage de Brillat-Savarin), et le goût est un organe délicat, perfectible et respectable comme l'œil et l'oreille. Pourquoi estimer le musicien qui prend son plaisir par les oreilles et mépriser le gourmand qui prend son plaisir par la langue, le palais et par le nez ?

J’en vois qui deviennent songeurs : si la gourmandise est une forme d’art parce qu’elle dépend d’un organe délicat, perfectible et respectable, pourquoi d’autres plaisirs, issus d’autres organes, ne seraient pas hissés au niveau de l’art ?

Attention ! Maupassant dit que ces organes doivent être respectables. Compris ?

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(1) Nous lisons dans Wikipédia : La Gourmandise (Gula en latin) : ce n'est pas tant la gourmandise au sens moderne qui est blâmable que la gloutonnerie, cette dernière impliquant davantage l'idée de démesure et d'aveuglement que le mot gourmandise. Par ailleurs, on constate que dans d'autres langues ce péché n'est pas désigné par un mot signifiant « gourmandise » (gluttony en anglais, par exemple). Son démon est Belzébuth

(2) Mot du jour – Apanage : Au fig. Ce qui appartient en propre à quelqu'un ou à quelque chose, ce qui en est le privilège. (TLF)

(3) Au sens où elle produirait toutes les autres (cf. notre Post sur les péchés capitaux)

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