Les Juifs oublièrent que sa bonté seule [de Dieu] les avait séparés des autres peuples, et regardèrent sa grâce comme une dette.
Bossuet, Hist. II, 5.
La dette… Ce seul mot effraie les français : et si demain il fallait nous saigner aux quatre veines pour rembourser la dette du pays ? Finie la joyeuse insouciance des années 70 (1) : car nos assurances vies comportent peut-être de la dette grecque – et alors, non seulement il va falloir rembourser la dette française, mais en plus on va perdre nos obligations grecques ?
…Mieux vaut penser à autre chose, plaie d’argent n’est pas mortelle – et puis, qui donc peut se vanter d’être sûr, absolument sûr, que son débiteur ne fera pas un défaut de paiement ?
Réponse : les Juifs ! Car en les désignant « peuple élu », Dieu a contracté une dette envers eux – la Terre promise ; et puis le Messie.
Comme le dit Bossuet, ils se sont trompés : ils ont pris pour dette ce qui était promesse libérale. Mais qu’importe : les juifs, peuple élu, ont considéré ces promesses comme leur dû, et si Dieu met longtemps à payer ce qu’Il doit, ils peuvent néanmoins garder confiance : si la dette des Etats est souveraine, que doit-on dire de celle de Dieu ?
Reste que les juifs se sont un peu lassés d’attendre : pour la Terre promise, ils sont allés se servir eux-mêmes ; promise par Dieu Lui-même, c’était selon eux un titre de propriété tout à fait suffisant.
Et pour le Messie direz-vous ? Les juifs ont fait les difficiles : Jésus n’était parait-il pas assez bien pour eux !
Alors on a bien une petite idée, nous les français : nous avons un messie qui risque de se retrouver sans emploi dès le mois de mai prochain – on peut le leur céder. C’est vrai qu’il a beaucoup servi, mais il est encore en bon état.
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(1) Voir le dessin de Wolinski ici
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