Wednesday, August 10, 2011

Citation du 11 aout 2011


Aucune civilisation n'a duré quand elle acceptait la fracture sociale des exclus.

Jacques Chirac – Interview Journal de France 2 - 5 Septembre 1995

Il est devenu indécent d'en parler [de la lutte des classes], mais ce n'est pas moins elle qui resurgit là où on ne l'attendait pas pour alimenter la poussée électorale continue de l'extrême droite (...) Un mur s'est dressé entre les élites et les populations, entre une France officielle, avouable, qui se pique de ses nobles sentiments, et un pays des marges, renvoyé dans l'ignoble, qui puise dans le déni opposé à ses difficultés d'existence l'aliment de sa rancœur.

Marcel Gauchet – Le désenchantement du monde (1985)

5 septembre 1995… Que c’est loin ! Nous étions au tout début du 1er septennat de Jacques Chirac (1), et les rumeurs de la campagne électorale n’étaient pas retombées : on croyait encore que les promesses du candidat-Chirac de réduire la fracture sociale seraient suivies d’effets.

Pourtant Super-Menteur était en train de naitre.

Que c’est loin, et comment avons-nous pu y croire ? C’est que les exclus victimes de la fracture sociale étant désignés comme un scandale au quel aucune civilisation ne saurait résister, nous avions naïvement compris qu’il fallait les secourir d’urgence.

Pourtant, comme Marcel Gauchet l’expliquait déjà dix ans plus tôt (dès 1985), les exclus sont classés dans la catégorie de l’ignoble, ce qui laisse entendre qu’ils n’appartiennent pas à notre monde. Dès lors, pourquoi tenter de les secourir, eux qui sont plutôt comme des indiens dans leur Réserve ?

Mais il y a mieux – ou pire : et si, en réalité, les exclus massés dans la marge, de l’autre côté de la frontière qui définit le territoire des gens normaux, étaient nécessaires pour qu’une vie sociale et politique paisible et harmonieuse soit possible ? Les exclus seraient alors utiles à quelque chose : selon les cas, masse miséreuse, ils serviraient de repoussoir permettant aux classes moyennes de mesurer leur chance d’être bien gouvernées ; ou bien ils constitueraient une menace sourde suscitant la cohésion du groupe-nation.

30 juillet 2010… Que c’est loin ! Rappelez-vous pourtant : c’était le temps du Discours de Grenoble où Notre-Président demandait à son ministre de l’intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms… Et on se demandait tous pourquoi les Roms, sachant qu’étant libres de séjourner en France en tant que citoyens européens, ils reviendraient aussitôt chassés.

Mais justement : c’est par ce va et vient qu’ils deviennent les parfaits représentants des exclus qu’il faut toujours chasser – mais qui revenant toujours, restent disponibles pour une éviction de plus.

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(1) C’est aussi le 5 septembre 1995 que débute le tollé international suscité par la campagne de tirs nucléaires de la France

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